À la folie

Étage des hommes d’un hôpital psychiatrique à ciel ouvert (les femmes sont au rez-de-chaussée), dans une ville du Yunnan (Chine). Haut de deux étages, dirigé par le docteur Cao qu’on ne verra jamais, il entoure une cour rectangulaire. Tout est fermé par des barreaux. Chacun possède un lit ainsi qu'une bassine qui lui sert indifféremment à se laver et à uriner. Certains des 200 internés viennent d’arriver, d’autres sont là depuis vingt ans. On ignore pourquoi. Tout juste le devine-t-on via leurs manies, ainsi Wu Shinson qui répète à l’infini le même geste pour se chausser, se coucher… Ou à travers leurs discussions avec des proches venus le rendre visite. Livrés à eux-mêmes et soumis à un immuable rituel quotidien : médicaments, distribution des colis, télé, repas… tous cherchent un semblant de vie sociale et surtout des marques d’affection ("Feng Ai" veut dire "amour-folie"). Unique échappée, cet homme qui obtient une permission de 10 jours à passer chez lui…

Pour son neuvième film, impressionnant et terrible, tourné de janvier à avril 2013, Wang Bing (Les Trois Sœurs du Yunnan - 2012) serre au plus près, et sans commentaire, ses « personnages », y compris quand ils courent, laissant peu à peu un étrange malaise nous envahir. La longueur du propos fonctionne comme l’élément nécessaire à nous interroger sur leur présence commune jusqu’au dénouement final nous en révélant les raisons, parfois effarantes. Une expérience unique.