En même temps

Deux ans après la tragi-comédie sociale Effacer l'historique, le duo Gustave Kervern et Benoît Delépine renoue avec l'absurde avec cette satire politique sur fond de corruption. Si le ton gagne en légèreté, le propos n'en demeure pas moins toujours aussi cinglant.

Piégés par une activiste féministe, un maire de droite corrompu et un écologiste sensible se retrouvent collés l'un derrière l'autre. Contre leur gré, ces adversaires, que tout oppose, vont devoir s'unir pour trouver une solution à cette situation physiquement et symboliquement compromettante... Tel est le pitch improbable – et pourtant si reconnaissable lorsqu'on est familier du cinéma de Kervern et Delépine – d'En même temps.

Si leurs précédents films témoignaient déjà d'un penchant pour la satire politique, ce nouveau long-métrage se montre encore plus frontal. Et pour cause, l'affaire politique constitue ici le cœur même du propos. Il ne s'agit pas tant que de confronter deux idéologies incompatibles que de les placer face à leurs propres contradictions. Prête à faire tomber les masques, cette coopération « forcée » constitue un médium parfait pour questionner l'absurdité d'une époque marquée par le « progrès » et l'ubérisation, des thèmes si chers aux cinéastes.

Tantôt fins, tantôt grossiers, les dialogues font mouche, soulignant une écriture toujours incisive. À certains moments, le duo renoue même avec ce style cru qui avait auparavant fait le miel de l'émission Groland. Si certains regretteront un ensemble en manque de nuances, les autres se réjouiront de ces dénonciations qui tachent.

Un duo imparable

L'autre grande réussite du film réside dans son casting, et dans ce domaine, les réalisateurs ont eu la très bonne idée de recruter deux autres trublions du cinéma français : Jonathan Cohen et Vincent Macaigne. Le premier, plus cabotin que jamais, excelle dans le rôle du politique véreux, aussi bien porté sur les femmes que sur le mensonge. Plus sensible, le second contrebalance les gags absurdes avec son regard mélancolique et sa voix naturellement fragile. Leur duo fonctionne à merveille et participe au rythme singulier du long-métrage. Quant aux personnages secondaires, le reste de la distribution n'est pas en reste : Yolande Moreau, India Hair, Thomas VDB, Laetitia Dosch... Toutes ces forces comiques humanisent, chacune à sa manière, cette aventure qui, comme souvent chez Delépine et Kervern, utilise la loufoquerie et la caricature pour mieux masquer un horizon pour le moins préoccupant.