La chance sourit à madame Nikuko

Après Les Enfants de la mer (2019), long-métrage d’animation dont l’excellence formelle et la puissance poétique furent unanimement saluées, Ayumu Watanabe revient sur grand écran avec un film tout à fait étonnant, intimiste et chaleureux, totalement différent du précédent mais tout aussi splendide et inspirant.

Nikuko a 35 ans, des formes généreuses et une gouaille à toute épreuve. Issue d’un milieu très modeste, elle se démène pour gagner sa vie et s’occuper de sa fille Kikurin. Son cœur d’artichaut lui a souvent joué des tours, la conduisant dans les bras d’hommes peu scrupuleux ou disparaissant du jour au lendemain, et à chaque déception amoureuse, la jeune mère repart à zéro, cherchant du travail dans une nouvelle région. Elle pose finalement ses valises dans une petite ville portuaire où elle trouve un emploi dans une auberge et où Kikurin se sent plutôt bien. C’est la collégienne qui nous raconte cette histoire. Elle nous fait par de son quotidien, de ses relations compliquées avec sa mère, avec ses camarades de classe, et de sa crainte de devoir peut-être partir à nouveau…

Une chronique initiatique subtile et visuellement somptueuse

Ayumu Watanabe a fait le choix, judicieux, de ne pas s’éparpiller dans d’inutiles péripéties et de rester au plus près de son personnage principal, Kikurin. Plutôt qu’une intrigue aux multiples rebondissements, il nous propose une chronique délicate, piquante et pleine de tendresse s’attachant à questionner la complexité des liens que l’on tisse, ou non, avec ses parents, avec ses amis, et comment ils contribuent à faire ce que nous sommes.

Kikurin est discrète, introvertie, très mince et a une apparence un peu androgyne. Sa mère est ronde, parle fort, fait des blagues pas drôles en public et attire l’attention partout où elle passe. Comment se fait-il qu’elles se ressemblent si peu ? Cette interrogation lancinante est comme le fil rouge d’un récit qui verra Kikurin faire face à un terrible cas de conscience vis-à-vis de sa seule véritable amie, et rencontrer un garçon des plus étranges qui l’aidera à mieux s’accepter.

Visuellement ébouriffant, le film mêle intelligemment différents styles graphiques et dit beaucoup de ses personnages rien que par le dessin. Ce film d’animation très singulier, aussi sensible que drôle et au propos féministe jamais explicite mais bien présent, touchera autant les enfants (dès 10 ans), que leurs parents.