La Rumeur

Karen Wright et Martha Dobie, amies de longue date, ont récemment créé une institution pour jeunes filles. Fiancée à Joe Cardin, médecin impatient de se marier, Karen réfléchit quant à laisser à Martha la direction de la maison. Celle-ci a parfois du mal à cacher son étrange jalousie, et la petite Mary finit par écouter des conversations qu’elle interprète à sa guise. Insolente et manipulatrice, l’élève se venge d’une punition en lançant la rumeur que les deux institutrices ont une relation « contre-nature ». La grand-mère de Mary finira par y croire, et par déchaîner une campagne de diffamation qui ne tardera pas à entraîner l’institution dans l’abandon.

Deuxième adaptation d’une même pièce de Lillian Hellman par William Wyler, La rumeur convoque une thématique (l’amour homosexuel) qui ne manquait pas de susciter la polémique à son époque. Le traitement tragique donné à l’intrigue semble bien évidemment daté, mais le film dribble de manière extrêmement brillante avec les impératifs de la censure hollywoodienne. En travaillant image et son, Wyler créé véritablement un problème là où il y en a pas : alors qu’à aucun moment une parole révélatrice n’est dévoilée, l’ambivalence du personnage de Martha semble sans cesse tangible. Plus qu’un document sur la perception de l’homosexualité, le film est un chef-d’œuvre cinématographique qui interroge, par ses images construites et ses dialogues psychologiquement raffinés, l’idée même d’une vérité par la parole. Un classique donc !