Le Peuple loup

Un récit adulte à hauteur d’enfant

Au XVIIe siècle, dans une Irlande sous joug anglais, Robyn, une jeune fille de 11 ans, rencontre, dans la forêt aux abords de la cité fortifiée où elle vit, Mebh, une wolfwalker, enfant le jour, louve la nuit. Tiraillée entre son amitié pour Mebh et son soutien à son père, chasseur de l’ultime meute de loups, Robyn va tenter de réconcilier humains et animaux.

Avec ce troisième volet de sa trilogie celte, initiée en 2010 avec Brendan et le secret de Kells, puis prolongée en 2015 avec Le Chant de la mer, Tomm Moore et Ross Stewart approfondissent ici leur choix d’un cinéma d’animation familial qui mêle enchantement visuel et questionnement sur l’ambition humaine. Enchantement visuel d’abord, car tout n’est qu’explosion et contraste de couleurs : des tons chauds d’une forêt heureuse que l’on devine automnale aux teintes sombres ou froides d’une cité qui s’érige infranchissable et dominatrice. Mais Le Peuple loup est également un film alliant, sur le plan du dessin, motifs de courbes et d’arabesques pour évoquer une nature libre, non entravée, et perspective « à plat », sans profondeur de champ, pour signifier le paysage domestiqué par l’activité humaine. De la même manière, sur le plan de l’animation pure, le film sait alterner la fluidité des mouvements et la dynamique du montage pour accompagner le bonheur d’être ensemble de Robyn et Mebh, et la sécheresse des plans et le heurté du découpage, pour opposer, dans un affrontement final tellurique, sauvagerie de l’homme conquérant et férocité de l’animal traqué.

Lueur d’espoir

Questionnement sur l’ambition humaine ensuite, car le film, même dans un récit (ponctué de quelques joyeux gags) à hauteur d’enfant, ne détourne jamais le regard face à cette volonté néfaste d’être le centre de l’univers. Ainsi, Le Peuple loup (comme le Princesse Mononoké d’Hayao Miyazaki, film auquel on peut songer à plusieurs reprises) met en perspective le rapport de l’homme dit civilisé avec la nature, qu’il s’agisse d’une végétation exploitée jusqu’à l’épuisement ou d’animaux exterminés pour mieux les dompter. S’enfonçant dans l’obscurantisme, ici religieux et symbolisé par un seigneur protecteur qui fait figure de méchant absolu sans être caricatural, l’être humain se replie sur lui-même et combat celles et ceux, parmi les siens, qui tentent de s’émanciper. Jusqu’à ce qu’une enfant de 11 ans se dresse, seule contre tous, et réenchante le monde.