Liverpool

Marin dans un cargo, Farell demande l’autorisation de descendre à terre lorsque le navire accoste au sud de la Patagonie. Quittant ce quotidien réglé et distant, il part rendre visite à une mère qu’il n’a pas revu depuis 20 ans. Les rictus et les tics desséchés par l’alcoolisme, cet homme silencieux traverse une zone portuaire misérable, bien en-deçà de la beauté des pics enneigés. Parvenu dans un village natal blanchi par la neige et par l’âge, Farell vient briser par sa présence une douleur que les villageois avaient tâché de surmonter : lors de son départ, l’aventurier avait laissé un incestueux héritage derrière lui, qu’il découvre sans passion et sans étonnement…

À partir de cette structure tragique sobrement détournée, l’argentin Lisandro Alonso nous livre un long métrage concis et taciturne. La lourde neutralité des sonorités brutes, la lumière boréale encadrée avec précision et parcimonie, le montage qui allie à l’intimité la plus crue l’ampleur d’un paysage difficile, malgré sa beauté… Véritable habitué de la Quinzaine des Réalisateurs, Alonso investit la Patagonie avec des moyens stylistiques étudiés et perspicaces. Le silence sédimentaire qui s’installe entre les personnages décline intelligemment les sombres traumatismes d’un homme à la dérive, et toute cette discrétion dramatique ne fait que valoriser le malaise presque corporel qu’il s’agit d’appréhender par la fiction.