Lumière silencieuse

Le soleil se lève sur une plaine du nord du Mexique, en même temps que monte le bruit lointain et grouillant d’une faune invisible. Dans une ferme, au petit matin, une famille de mennonites (communauté proche des Amish) s’apprête à prendre son petit déjeuner mais s’incline d’abord devant le rituel d’un bénédicité silencieux. Tout le monde parti, Johan, le père de famille, reste seul à table et pleure subitement à chaudes larmes. D’où vient cette douleur qui le submerge ? Son drame est d’aimer deux femmes et de sentir qu’au fond, celle qui le comble le plus de bonheur est sa maîtresse et non la mère de ses nombreux enfants, au courant pour l’autre femme. La vie continue, malgré ce dilemme: les saisons, les moissons passent jusqu’au jour où Johan décide de rompre avec sa maîtresse.

Avec ce troisième film fortement inspiré d’Ordet, le chef d’oeuvre de Dreyer (dont il cite certains plans), Carlos Reygadas brouille nos repères pour nous perdre dans une géographie au visage inattendu, celui d’une communauté mennonite (modérée) installée au Mexique, et dans un temps suspendu où s’estompent les traces du monde moderne pour laisser place à une nature au relief très biblique.