Patria obscura

« Ma carte nationale d’identité n’est pas ma carte d’identité nationale. » Ainsi Stéphane Ragot conclut-il ce documentaire pénétrant. Qu’est-ce qui nous définit ? Notre nom ? Notre Culture ? Notre famille ? Quelle est la part de la transmission ? Pour le comprendre, il a remonté la piste de ses deux grands-pères maternels, jamais connus. Pierre, né bâtard, légionnaire devenu boucher et alcoolique, et Paul parachutiste décoré, ancien des chantiers de jeunesse pétainistes en 1940, « rejoignant la Résistance cinq jours avant le débarquement de juin 1944 » (une photo le montre serrant la main du Général de Gaulle) avant de faire carrière dans les opérations de police menées en Afrique du Nord. Puis, à l’aune du généreux article 4 de la Constitution du 24 juin 1793, il glisse avec pertinence et humour des combats de ses ascendants à ceux des descendants des " indigènes de la République morts pour la France " manifestant aujourd’hui pour obtenir leurs papiers. Entre " honte et orgueil ", ton faussement feutré, photos personnelles, d’archives et de films, ce parcours personnel finit par dresser le portrait de la France de 1900 à nos jours.

Ce questionnement mémoriel en six chapitres, dédié à sa compagne Ixchel, équilibrant avec clairvoyance sentiments et raison, offre un lien lumineux entre paternité et filiation, Patrie et Nation et trouve son accomplissement dans la chute fatale d’un appareil photo accouchant d’un dernier cliché tout blanc « couleur contenant toutes les autres ».