Tomi Ungerer, l'esprit frappeur

Dès les premières images, les dessins de ce chroniqueur alsacien né en 1931 frappent aussi fort que ses mots (“Strasbourg est le sphincter de la France car toujours première à savoir quand la France souffre d’indigestion”, “la laideur peut être belle surtout chez les femmes”)… Considéré Français par les nazis en 1941, “Boche” par les Français en 1945, rabbin par les Américains quand il débarque habillé en Alsacien… il décide de pourfendre tous les “lavages de cerveau” par l’absurde. Refusant de prendre les enfants pour des êtres “innocents, creux et bêtes”, il impose ainsi un boa (Strictor) comme héros de BD. Succès foudroyant. Adulé, estimant que le Mal et le Bien peuvent apprendre l’Un de l’Autre, il met son art au service de la libération sexuelle en 70. Aussitôt blacklisté, il s’exile avec sa femme au Canada puis en Irlande. “Réhabilités” en 1995, ses livres retrouvent les bibliothèques tandis qu’il reçoit la Légion d’Honneur après la création d’une banque de la Culture en Alsace et pour s’être engagé dans le rapprochement franco-allemand. Aussi, quand, réconcilié avec lui-même, il essuie une larme pour les Irlandais et s’enthousiasme car “si la mort est pleine de vide alors tout est possible pour l’imaginaire”, on se dit que c’est beau un “Destin qui a reçu une destination”.

Brad Bernstein, réalisateur de documentaires réputé, nous offre le portrait rythmé, drôle et éclairant d’un artiste salutaire qui a mis son talent à questionner et dénoncer son Temps avec lucidité …