Tre piani

Le retour élégant de Nanni Moretti

La vie de plusieurs habitants d’un immeuble cossu de Rome se trouve chamboulée à la suite d’une série d’événements. Présenté en compétition au Festival de Cannes, il s’agit du 14e long métrage de Nanni Moretti.

Trois étages, trois foyers. Lucio, époux volage de Sara et leur fille Francesca au premier ; Monica, ses deux enfants en bas âge et un mari souvent absent au second ; et Dora, Vittorio et leur fils Andrea au troisième. Une nuit, Andrea conduit en état d’ivresse et tue une passante - un événement tragique qui va avoir une incidence plus ou moins directe sur la vie des habitants, témoins de l’accident.

De retour à Cannes en juillet dernier, Nanni Moretti modifie ses habitudes et adapte, pour la toute première fois, une œuvre littéraire. Tre piani est en effet tiré du roman Shalosh Qomot d’Eshkol Nevo, publié en 2015, le réalisateur transposant l’histoire de Tel Aviv à Rome, chère à son cœur. Dans une mise en scène classique et particulièrement élégante, il réunit les plus grands acteurs du cinéma italien contemporain et donne à nouveau la réplique à Margherita Buy, six ans après leur tandem poignant dans Mia Madre.

Mêler le personnel et l’universel

Véritable film choral, Tre piani prouve une nouvelle fois les qualités de direction d’acteur de Moretti, mais aussi sa grande maîtrise du drame intimiste et son impartialité dans le traitement des personnages. Aucun d'eux n’est jugé, même ceux dont les actes peuvent être discutables. Il s’agit plutôt d’un état des lieux de la psychologie humaine, établi avec subtilité et retenue, à travers la question universelle des conséquences de nos choix individuels. Intelligemment construit, le film présente une superbe photographie, baignée d’une lumière chaleureuse propre à la capitale italienne que l’on devine, mais que l'on ne voit jamais totalement. En-dehors de ces qualités formelles, Tre piani apporte son lot d’émotions lors des scènes familiales - notamment les conflits entre parents et enfants, bouleversants. L’isolement, la culpabilité, la peur de l’autre : tous les thèmes évoqués forment un écho puissant à l’actualité. Nanni Moretti explique : « ce qui arrive à ces personnages nous montre à quel point nous sommes tous concernés par l’effort commun à faire pour se sentir membre d'une communauté. Le film est une invitation à s'ouvrir au monde extérieur ». Une adaptation réussie pour ce retour attendu d’un des plus grands cinéastes européens !