Orchestre national de France et Evgeny Kissin

Hier au théâtre des Champs Élysées, le public était au rendez-vous, la salle comble, le piano bien réglé. L'accueil fervent faite à Monsieur Kissin dans le troisième concerto de Rachmaninov laissait présager d'une belle soirée de musique. Hélas, quelle déception, et ce dès l'introduction. Le tempo très, vraiment très lent, qui désarticule la phrase n'est pas seul en cause. C'est le jeu même du pianiste qui pose problème. Tout est haché, martelé. Monsieur Kissin sur-articule tout au long du concerto. Ici, la virtuosité formidable (les moyens du pianiste sont exceptionnels) n'est pas au service de la beauté ni du son, ni du sens. Tout est gros, joué fort, surligné, les reprises interprétées de façon absolument identiques. Où le chant est-il passé ? Qu'en est-il de la pudeur, de la douleur retenue, de l'hymne à la vie du compositeur ? De dialogue avec l'orchestre il n'est pas question non plus, juste un fond sonore assez indistinct. Heureusement, l'orchestre et son chef se rattrapaient en seconde partie avec une cinquième symphonie de Prokofiev pleine de vie, de fureur, d'ironie, de tension, de couleur, d'éclat. Même les bis du pianiste n'ont pas réussi à compenser complètement la prestation médiocre du concerto, avec un valse de Tchaïkovski (une œuvre assez secondaire, salonnarde sans grand caractère) et une valse de Chopin heureusement réussie, subtile, au début fantomatique puis étourdissante puis enfin touchante. On retrouvait là, le Kissin d'il y a quelques années, au Chopin lumineux, si naturel, enfin presque...