Chronique d'une liaison passagère [critique] : La confusion des sentiments

Cinéaste du tourment amoureux et de l'égarement philosophique, Emmanuel Mouret signe une nouvelle comédie au sujet faussement démodé. L'écriture est aussi délicate que comique ; Sandrine Kiberlain et Vincent Macaigne sont au sommet.
Avec Mademoiselle de Joncquières (2018) et, plus récemment, Les Choses qu'on dit, les choses qu'on fait (2020), Emmanuel Mouret démontrait une certaine appétence pour le chassé-croisé amoureux et la fresque sentimentale. Avec ce nouvel opus, le cinéaste français poursuit son étude avec une maturité et une finesse toujours aussi exemplaires.
Il raconte ici l'histoire de Charlotte (Sandrine Kiberlain) et de Simon (Vincent Macaigne). Elle est une mère célibataire, libre, déterminée et entreprenante. Lui est un homme marié, maladroit, contrit et hésitant. Tout les oppose, et pourtant, leur rencontre fait naître un désir de plus en plus fort. Ils décident alors de se revoir, mais refusent toute complication, comme celle de mettre une étiquette sur leur relation. Mais les mois qui vont suivre vont ébranler la naïveté de Simon et l'insouciance de Charlotte...
Débutant à la manière d'une romance printanière (le premier rendez-vous a lieu à la fin du mois de février) et progressant vers une mélancolie automnale, le film réunit tous les motifs chers à Mouret : le marivaudage, le rapport troublé entre les sexes, l'amour contrarié, la défaillance des convictions personnelles... À bien des égards, cette Chronique d'une liaison passagère s'envisage alors comme une variation lucide et délicate d'une œuvre plus globale.
Un travail d'orfèvre
Le style de Mouret est porté par un plaisir plus que palpable d'écrire, de cadrer et de diriger. Le mélange, ici proposé, est imparable : une mise en scène élégante, une utilisation minutieuse de la musique, un ton tragi-comique tout en décalage, une approche quasi littéraire... et bien sûr des dialogues dont lui seul a le secret, entre fulgurances de langage, joutes verbales et trébuchements du verbe. Et si l'on pensait avoir tout vu (et tout lu) sur l'amour courtois, le réalisateur dépoussière habilement son image désuète.
Alliant la forme et le fond, le cœur et l'esprit, il bouleverse même le schéma traditionnel des rôles genrés au sein du couple. Le casting s'impose alors comme une évidence : plus que jamais, Vincent Macaigne excelle dans la confusion et la culpabilité. Face à lui, Sandrine Kiberlain est aussi solaire que charismatique. Leur partition confirme un peu plus la grande réussite de ce film.
Chronique d'une liaison passagère, en salles le 14 septembre 2022 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France
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