[critique] A Real Pain : Petit précis introspectif du mal-être
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Deux après When You Finish Saving the World (inédit en salle en France), l'acteur Jesse Eisenberg reprend sa casquette de réalisateur. Avec A Real Pain, il signe un road movie doux et mélancolique sur les traumatismes et leur transmission transgénérationnelle.
Aéroport de New York. Dave (Jesse Eisenberg) attend son cousin Benji (Kieran Culkin) pour un voyage organisé en Pologne. Lequel se veut en hommage à leur grand-mère juive, survivante de l’Holocauste et récemment décédée. Mais, autrefois inséparables, les cousins n'ont désormais plus grand-chose en commun : de nature pudique et pensive, Dave doit composer avec l'égocentrisme, l'hypersensibilité et les névroses de Benji. Le pèlerinage thérapeutique pourrait bien subir quelques turbulences...
Par sa façon de refuser la grandiloquence sentimentale, et par sa manière de tempérer son rythme, A Real Pain emprunte un chemin familier. Celui du cinéma indépendant américain. Ici, l'idée forte du film repose sur le traitement subtil de ses archétypes, opposés en tout point. Plutôt que de les sophistiquer, Jesse Eisenberg puise dans la simplicité de son récit et de sa mise en scène pour mieux travailler la psychologie de ses protagonistes. Fort de ce travail d'écriture, le réalisateur déjoue avec brio le risque de la caricature. Mieux encore, il confirme un peu plus son talent de dialoguiste.
Devoirs de mémoire et douleurs transgénérationnelles
À cette finesse du regard et du verbe se greffe une belle richesse thématique. Dans A Real Pain, il est en réalité question d'un double devoir de mémoire. De Varsovie jusqu'à Lublin, les héros cherchent autant à comprendre leur histoire familiale que l'Histoire avec un grand H. Pour y arriver, ils parcourent des lieux pour s'y recueillir, ils vont à la rencontre d'enfants de survivants des camps de concentration... À d'autres moments, ils se replongent aussi dans leur enfance.
Mais face aux traumatismes transgénérationnels (l'identité juive, la Shoah et ses cicatrices), les façades illusoires de leur existence insouciante se fissurent peu à peu. Comment les réparer ? Si le film ne propose pas de réponse claire, il propose néanmoins une piste de réflexion : comprendre le présent à l'aune du passé ne suffit pas à résoudre la crise identitaire. Ni à guérir le mal-être qu'elle engendre. De cette impuissance, nourrie d'incertitudes, naît une mélancolie à la portée universelle. Et c'est avec la bonne hauteur et le ton juste que Jesse Eisenberg parvient à la traduire.
A Real Pain, sortie en salles le 26 février 2025 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France
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