[critique] Anatomie d'une chute : enquête au cœur du couple

© 2023 Les Films Pelléas/Les Films de Pierre

Avec son quatrième long métrage, Justine Triet signe un film de procès qui est, avant tout, une exploration brillante et kaléidoscopique des affres de la conjugalité.

Dans un chalet alpestre, un homme est retrouvé mort par son jeune fils. Il a manifestement chuté d'une fenêtre... S'agit-il d'un suicide, d'un accident, d'un meurtre ? Sa femme, écrivaine, présente au moment des faits, est mise en examen... Palme d'or méritée pour une cinéaste dont, au fil des années, l'œuvre n'a jamais cessé de gagner en ampleur et en ambition, sans jamais pour autant dévier de son axe, Anatomie d'une chute impressionne d'abord par sa maîtrise. Mais aussi par la complexité de sa structure narrative et des sentiments qui s'y dévoilent, l'ambiguïté de son propos et, pour autant, son extrême lisibilité.

Depuis toujours attaché à dire le grand désordre (amoureux, mais pas seulement) de nos existences, le difficile équilibre entre vie professionnelle et vie privée, le cinéma de Justine Triet le fait ici avec une placidité nouvelle. En effet, à de rares exceptions près, pas d'effusions de voix ni de scènes de chaos domestique. L'esprit de l'enquête, les codes du film de procès, l'interrogation patiente de la mémoire de chacun(e), la litanie des éléments à charge (et à décharge), imposent à l'autrice une méthodologie nouvelle, une approche kaléidoscopique, et, in fine, une forme de sérénité dans son approche.

Couple, mon beau souci

Car l'enquête promise est avant tout le moyen de l'étude d'un couple : il s'agit moins d'éclaircir les circonstances d'un drame, de statuer définitivement sur la nature accidentelle ou criminelle des événements, que de faire la lumière sur la dissolution d'un mariage.

La froide exigence de la justice, celle d'une vérité objective, d'une nette ligne de partage entre le bien et le mal, s'accommode mal de la complexité des relations humaines. Lesquelles, selon le regard porté sur elles, le ressenti des différents protagonistes, conduisent le spectateur à une réévaluation constante de son jugement. Peu amène dans ce qu'il dit de ce couple (et, sans doute, du couple en général), le film, ainsi, est aussi profondément humain, en ce qu'il invite à embrasser le regard de chacun de ses personnages. Des personnages portés, il est vrai – défendus, même, pourrait-on dire –, par des interprètes parfaits, au premier rang desquels Sandra Hüller, déjà à l'affiche de Sibyl, le précédent film de Triet.

Anatomie d'une chute, sortie le 23 août 2023 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France

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