[critique] Comme le feu : Un récit initiatique en pleine nature
Fidèle à son style, Philippe Lesage continue de sonder avec acuité les recoins les plus intimes de l’âme humaine, offrant avec toujours autant d’intensité une expérience de l’instant, riche en émotions.
Ayant débuté sa carrière dans le documentaire avec Ce cœur qui bat (2010), Philippe Lesage fait une transition remarquée vers la fiction en 2015 avec Les Démons, tout en conservant un fort attrait pour les récits personnels inspirés de la réalité. Comme le feu est d’ailleurs une réécriture d’une expérience vécue par son propre frère qui, dans sa jeunesse, a passé une semaine chez un cinéaste légendaire du Québec, grâce à des amis de leurs parents. Le cinéaste en tire un récit initiatique singulier explorant les bouleversements de l’adolescence, entre défiance envers l’autorité et premiers émois amoureux.
Un père emmène ses enfants, Aliocha et Max, ainsi que Jeff, le meilleur ami de ce dernier, passer quelques jours de vacances dans le chalet isolé de son ancien compagnon d’écriture de films, Blake. Jeff est secrètement amoureux d'Aliocha, mais celle-ci est davantage fascinée par la prestance de Blake. Les deux adolescents vont vivre des moments de villégiature tourmentés aux côtés d’adultes immatures dans un microcosme prêt à s’embraser.
Un film visuellement saisissant
Inspiré par de grandes figures littéraires et cinématographiques telles qu’Ernest Hemingway ou John Huston, Philippe Lesage plonge ses personnages dans la nature sauvage canadienne, donnant à son film une dimension oppressante. Perdus dans ce cadre splendide mais inquiétant, les personnages sont confrontés à un sentiment d’isolement qui ne tarde pas à exacerber les conflits générationnels.
Au paroxysme de cette tension, on retiendra deux scènes clés. En l’occurrence des scènes de repas. Grâce à une caméra fixe posée en bout de table, le spectateur s’immisce directement dans ces moments de confrontation verbale, comme s’il était l’un des convives. Cette habile mise en scène des disputes familiales transmet à merveille les sentiments qui s’y expriment, le spectateur se sentant quasiment impliqué personnellement !
Le cinéaste excelle par ailleurs dans l’exposition des tourments adolescents face aux affres de l’amour, proposant une réflexion subtile sur la difficulté liée au passage à l'âge adulte. Fidèle à son style, Philippe Lesage continue de sonder avec acuité les recoins les plus intimes de l’âme humaine, offrant avec toujours autant d’intensité une expérience de l’instant, riche en émotions.
Comme le feu, sortie le 31 juillet 2024 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France
Partager cet article sur :
Nos derniers articles
Michel Hazanavicius (OSS 117, The Artist, Coupez !) réalise son premier film d'animation. Le cinéaste, qui avait toujours dit ne pas vouloir faire de film sur la Shoah, adapte finalement le conte de Jean-Claude Grumberg.
Un avocat, atteint d’un mal étrange appelé la « folie des sentiments », plaque famille et métier pour partir sur les routes. Il se laisse guider par ses envies – acheter une trompette, par exemple – et par ses rencontres...
Le nouveau film de Coralie Fargeat, Prix du scénario à Cannes, pousse dans ses ultimes retranchements le fantasme de jeunesse éternelle véhiculé par Hollywood.
Filmant les contradictions de l'Amérique, Sean Baker montre un pays toujours à mi-chemin entre le parc d'attractions et la jungle. Palme d'or du Festival de Cannes 2024.