[critique] En fanfare d'Emmanuel Courcol : Frangins malgré eux
Alors que tout semble les séparer, deux frères se découvrent à travers leur amour pour la musique. Emmanuel Courcol signe une comédie fédératrice et populaire – mais au sens noble du terme. Laquelle est portée par deux comédiens remarquables.
Paris. Chef d’orchestre de renommée mondiale, Thibault (Benjamin Lavernhe) est gravement malade. Ayant besoin d'une greffe de moelle osseuse, il découvre, au détour d'un rendez-vous médical, qu'il a non seulement été adopté, mais qu'il a également un frère. À Walincourt-Selvigny, dans le Nord, Jimmy (Pierre Lottin) est cantinier. Un jour, il reçoit la visite de Thibault... La suite a tout d'une rencontre improbable, tour à tour drôle et émouvante. Le genre de récit que la comédie française affectionne particulièrement… pour le meilleur et, plus fréquemment, pour le pire. Fort heureusement, Emmanuel Courcol (Un triomphe, Cessez-le-feu) trouve ici le ton juste ainsi que le bon équilibre. À savoir celui d'un film qui ne se prend jamais au sérieux, mais qui ne se moque pas pour autant de ses personnages.
Sans toutefois les renier, le réalisateur modère les bons sentiments et nuance les clichés. La réussite de son film tient à sa manière de reprendre la formule de la comédie populaire (le télescopage de deux mondes opposés, le paradoxe des situations, le quiproquo...) pour mieux l'inscrire dans des réalités sociales contemporaines : la lutte syndicale, la solidarité ouvrière, la peur de l'échec, le déterminisme social... Il en résulte un plaidoyer, par moments prévisible, mais toujours attachant car sincère. Pour couronner le tout, le film se nourrit de l'énergie enthousiasmante de deux comédiens talentueux et impliqués.
Passer de la cacophonie à la symphonie
En fanfare, c'est aussi la rencontre de deux univers musicaux aux arrangements distincts. D'une part, la musique classique et savante, reconnaissable à sa structure hiérarchisée et à son organisation pyramidale. Et de l'autre, la musique populaire et déambulatoire, défendue ici par les cuivres d'une fanfare et des mélomanes amateurs. Réunis par une passion commune, Thibault (l'orchestre philharmonique) et Jimmy (la fanfare) tracent un trait d'union invisible entre les styles musicaux, s'affranchissant des repères et des codes imposés par l'institution – et in extenso, la société. Peu à peu, les différences s'effacent ; le scepticisme s'incline. C'est peut-être là la clé de leur rémission, qu'elle soit médicale, émotionnelle, sociale...et familiale.
En fanfare, sortie le 27 novembre 2024 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France
Partager cet article sur :
Nos derniers articles
Michel Hazanavicius (OSS 117, The Artist, Coupez !) réalise son premier film d'animation. Le cinéaste, qui avait toujours dit ne pas vouloir faire de film sur la Shoah, adapte finalement le conte de Jean-Claude Grumberg.
Un avocat, atteint d’un mal étrange appelé la « folie des sentiments », plaque famille et métier pour partir sur les routes. Il se laisse guider par ses envies – acheter une trompette, par exemple – et par ses rencontres...
Le nouveau film de Coralie Fargeat, Prix du scénario à Cannes, pousse dans ses ultimes retranchements le fantasme de jeunesse éternelle véhiculé par Hollywood.
Filmant les contradictions de l'Amérique, Sean Baker montre un pays toujours à mi-chemin entre le parc d'attractions et la jungle. Palme d'or du Festival de Cannes 2024.