[critique] La Passion de Dodin Bouffant : Le pot-au-feu mis en vedette
Avec La Passion de Dodin Bouffant, le réalisateur Tran Anh Hung nous invite à un voyage sensoriel délicat, où la gastronomie se révèle être l’intermédiaire entre amour et transmission.
Tran Anh Hung est un réalisateur franco-vietnamien révélé au Festival de Cannes en obtenant en 1993 le prix de la Caméra d’Or, dédié aux premières œuvres cinématographiques, pour L’Odeur de la papaye verte. Le cinéaste revient aujourd’hui au cinéma après une longue pause suite à la sortie d’Éternité (2016) avec Audrey Tautou, Bérénice Bejo et Mélanie Laurent. La Passion de Dodin Bouffant a été présenté en compétition du dernier Festival de Cannes où il rafla le Prix de la mise en scène. En octobre dernier, l’œuvre est annoncée pour représenter la France à la prochaine cérémonie des Oscars, au grand dam de ses réfractaires qui auraient préféré le choix plus évident de la palme d’or, Anatomie d’une chute.
La sensualité et le romantisme s'entrelacent avec l'art culinaire
Le personnage de Dodin (Benoit Magimel), un critique gastronomique de renom des années 1880, tisse une romance délicate et gourmande avec sa cuisinière Eugénie (Juliette Binoche). Lorsque la santé de cette dernière vacille, l'urgence culinaire qui en découle devient une quête empreinte de dévouement et d'innovation. Le long-métrage, inspiré de l'œuvre littéraire de Marcel Rouff publiée en 1924, est une ode exquise au patrimoine gastronomique français. Il est d’ailleurs connu à l'international sous le titre The Pot au Feu, faisant écho au plat traditionnel qui tient la vedette des premières séquences.
La préparation méticuleuse du plat nous apparaît comme une véritable danse gourmande durant ces vingt premières minutes, captées avec la précision poétique si singulière de Tran Anh Hung. La caméra se déplace activement entre les ustensiles luisants et les légumes frais du jardin, rendant hommage au processus artisanal de la cuisine. La sensualité et le romantisme s'entrelacent constamment avec l’art culinaire, dont chaque étape est en réalité un prétexte à explorer les émotions humaines. Juliette Binoche et Benoit Magimel, immenses interprètes entre lesquels l’alchimie est évidente, forment un couple attachant et finalement aussi savoureux que les plats qu'ils concoctent. Grâce à une mise en scène épurée et lumineuse, Tran Anh Hung fait un émouvant éloge du gustatif, tout en soulignant l'importance d’assurer une pérennité au patrimoine gastronomique français.
La Passion de Dodin Bouffant, sortie le 8 novembre 2023 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France
Partager cet article sur :
Nos derniers articles
Michel Hazanavicius (OSS 117, The Artist, Coupez !) réalise son premier film d'animation. Le cinéaste, qui avait toujours dit ne pas vouloir faire de film sur la Shoah, adapte finalement le conte de Jean-Claude Grumberg.
Un avocat, atteint d’un mal étrange appelé la « folie des sentiments », plaque famille et métier pour partir sur les routes. Il se laisse guider par ses envies – acheter une trompette, par exemple – et par ses rencontres...
Le nouveau film de Coralie Fargeat, Prix du scénario à Cannes, pousse dans ses ultimes retranchements le fantasme de jeunesse éternelle véhiculé par Hollywood.
Filmant les contradictions de l'Amérique, Sean Baker montre un pays toujours à mi-chemin entre le parc d'attractions et la jungle. Palme d'or du Festival de Cannes 2024.