[critique] Le Consentement : Vanessa Filho adapte le livre choc de Vanessa Springora
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Vanessa Filho met en images l'inacceptable et signe une œuvre aussi troublante qu'importante.
Plus de trois ans après avoir secoué la sphère littéraire et médiatique, l'ouvrage choc de Vanessa Springora, racontant l'emprise et les abus sexuels qu'elle subit de la part de l’écrivain Gabriel Matzneff, est adapté au cinéma.
2 janvier 2020. Dans le sillage du mouvement #MeToo, Vanessa Springora publie un texte autobiographique, dans lequel elle raconte sa « relation » avec Gabriel Matzneff, il y a 34 ans de cela. Au moment des faits, elle avait à peine 14 ans, et lui, 50 ans. Ce qu'elle pensait être une histoire d'amour cache une réalité plus révoltante. Celle d'une emprise insidieuse. D'une prédation à la fois sexuelle, psychologique, sociale et intellectuelle. D'une précision quasi-chirurgicale, l'éditrice et écrivaine décrivait alors les mécanismes de cet abus, tout en soulignant l'immunité dont l'auteur bénéficiait dans son milieu littéraire et bourgeois... Au premier abord, l'adaptation de Vanessa Filho soulève plusieurs questions : comment mettre en images l’ignominie ? Comment raconter la violence sans tomber dans la complaisance ou la démonstration ? Dire que cette mission cinématographique est périlleuse relève de l'euphémisme. Pourtant, à l'arrivée, la proposition impressionne autant qu'elle ébranle.
Emprisonner le bourreau et exorciser le passé
Non seulement la réalisatrice respecte son matériau, mais elle en épouse l'approche circonstanciée : de la première rencontre lors d'un dîner mondain jusqu'à la prise de conscience, le récit n'élude rien. Quant à la forme, elle se montre aussi implacable : la mise en scène de Vanessa Filho reste à la hauteur de sa jeune protagoniste (Kim Higelin, courageuse) ; sa caméra, au plus près des corps, montre quasiment tout.
Le choc est au rendez-vous, mais il ne paraît jamais gratuit. Tout comme le faisait Springora avec sa plume, Filho emprisonne le bourreau (Jean-Paul Rouve, terrifiant) dans son propre piège, d'abord en le représentant de manière caricaturale, puis en le montrant tel qu'il est, dénué de son éloquence et de son aura : un pervers pédophile. De manière habile, elle décrit aussi une époque complice et passive. Plus qu'un simple témoignage à charge, le film (tout comme le livre) interroge plus qu'il n'incrimine. Il laisse ainsi le spectateur juger par lui-même, miser sur sa propre humanité. Pour toutes ces raisons, et bien d'autres encore, Le Consentement est de ces œuvres qui ne laissent personne indifférent.
Le Consentement, sortie le 11 octobre 2023 : réservez vos places avec L'Officiel des spectacles
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