[critique] Ma France à moi : La rencontre de deux solitudes
C'est l'histoire d'une sexagénaire veuve qui, pour fuir la solitude, décide d'accueillir un jeune réfugié afghan... S'inspirant de l'histoire de sa propre mère, Benoît Cohen signe un drame subtil et surprenant par endroits.
Encore bouleversée par la mort de son époux, France, la soixantaine, se heurte à la solitude. Un jour, elle contacte une association chargée de loger des personnes réfugiées, le temps nécessaire pour que ces dernières puissent trouver du travail et s'intégrer. Quelques jours plus tard, elle fait la rencontre de Reza, un jeune Afghan déraciné et mélancolique. Enjouée, voire fantasque, France a un destin finement tracé pour son nouveau locataire. Mais Reza a d'autres ambitions... Alors que tout semble les séparer, les deux âmes solitaires vont devoir apprendre à vivre ensemble.
Le sujet de Ma France à moi semble être le fruit d'une pure fiction, mais il est en réalité adapté du roman autobiographique, Mohammad, ma mère et moi (éditions Flammarion, 2018), écrit par Benoît Cohen lui-même. Pour mettre en images l'histoire de sa mère, le réalisateur et écrivain fait le choix de s'éloigner du réel. Enrichie d'intrigues, l'adaptation trahit volontiers l'étiquette « D'après une histoire vraie », et ceci, pour mieux appuyer son propos : plus qu'un récit initiatique sur la solidarité, le long-métrage est avant tout une réflexion sur les failles et les contradictions de son héroïne.
Un propos faussement naïf
Si France se décide à ouvrir ses portes, sa motivation n'est en rien altruiste. Jusqu'ici riche d'une vie privilégiée, l'héroïne cultive un esprit anticonformiste et le revendique fièrement. Mais, au fond d'elle, elle cherche à combler le vide et l'absence. D'abord, celle d'un fils exilé aux États-Unis, puis, celle d'un époux emporté par la maladie. Sa rencontre avec Reza met alors en lumière deux choses : sa propension à la codépendance et sa déconnexion du réel.
Bienveillant, sans pour autant être naïf, le ton du film saisit habilement les angoisses de ses personnages, mais prend aussi soin de laisser la porte ouverte à des horizons optimistes. Et qui de mieux que Fanny Ardant pour interpréter ce rôle attachant et ambigu ? Entre glamour et fragilité, l'actrice ne cesse de se bonifier à l'écran. Face à elle, Nawid Elham, acteur non-professionnel, créé la surprise en saisissant subtilement la vulnérabilité de son personnage. Complémentaire, le duo constitue assurément l'autre grande force de ce long-métrage touchant.
Ma France à moi, sortie le 20 décembre 2023 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France
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