[critique] Ma mère, Dieu et Sylvie Vartan : Tout sur ma mère

© Marie-Camille Orlando

Le scénariste et réalisateur canadien Ken Scott (Starbuck, L'Extraordinaire Voyage du fakir) adapte le roman de l'avocat et animateur radio Roland Perez. Une comédie douce-amère, portée par une formidable Leïla Bekhti.

1963, dans le treizième arrondissement parisien. Petit dernier d'une famille juive séfarade, Roland Perez naît avec un pied-bot. Contre l'avis de tous les spécialistes, sa mère Esther refuse de le voir appareillé à vie. Prête à tous les sacrifices et très croyante, elle promet à son fils une vie fabuleuse. Des semaines passent, puis des mois... La situation n'évolue pas : Roland ne marche toujours pas, et, en prime, est déscolarisé. Dans l'appartement familial, qui est devenu son unique territoire, il découvre les émissions de variétés et se prend de passion pour la chanteuse Sylvie Vartan.

La suite de l'histoire est à l'image de cette entrée en matière : on ne peut plus improbable, voire extraordinaire. Pourtant, il s'agit bien là d'une histoire vraie. Laquelle va offrir à Ken Scott une matière première plus que riche. Le réalisateur fait alors ce qu’il a toujours fait de mieux : alterner entre les tons. Ce faisant, Ma mère, Dieu et Sylvie Vartan commence à la manière d’une comédie légère, propice à la farce, avant de glisser, par à-coups, vers la mélancolie. À l'aise dans les deux registres, Ken Scott soigne son écriture et sa mise en scène : tandis que la première jouit d'une verve contagieuse, la seconde assume son côté pastiche et son rythme entraînant.

Un hymne à la mère

L'autre réussite du film tient assurément à la qualité de sa distribution. Si Jonathan Cohen étonne dans un rôle moins comique qu'à l'accoutumée, et si Sylvie Vartan offre d'amusantes apparitions, c'est bel et bien Leïla Bekhti qui rafle la mise. Interprétant une mère juive aimante, mais ô combien envahissante, l'actrice n'a pas peur de la caricature. Bien au contraire, elle embrasse les archétypes, s'en amuse et excelle. Tantôt bouleversante, tantôt irrésistible, elle constitue le cœur et l'âme du film, le faisant souvent échapper à ses quelques facilités et maladresses. Elle est aussi universelle : son amour absolu pour Roland est celui de toutes les mères. Prêtes à braver tous les déterminismes, quitte à se mettre le monde à dos. Et quelle plus belle manière pour Ken Scott que de conclure ce portrait avec ce proverbe yiddish : « Dieu ne pouvait pas être partout, c’est pour ça qu’il a créé les mères ». La messe est dite.

Ma mère, Dieu et Sylvie Vartan, sortie dans les salles le 19 mars 2025 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France

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