[critique] Monsieur Aznavour : Tahar Rahim, formi, formidable !

© Antoine Agoudjian

Cet ample biopic signé Grand Corps Malade et Mehdi Idir raconte comment le fils de réfugiés arméniens, pauvre, doté d’une voix voilée, va devenir l’une des plus grandes stars de la chanson française. Avec pour allié dans cette tâche, le magistral Tahar Rahim.

« Pour chanter l’amour, il faut être beau » : c’est l’un des nombreux préjugés que Charles Aznavour devra dépasser au début de sa longue carrière. Le petit Charles Aznavourian grandit à Paris dans une famille de réfugiés arméniens. Le foyer est pauvre mais rempli de joie, avec des parents artistes qui tiennent un bistrot où les soirées finissent en danse et chansons. Enfant acteur, Charles monte très vite sur scène. Son destin bascule une première fois en 1941, quand il rencontre à 17 ans Pierre Roche, pianiste et dandy, avec qui il forme un swinguant duo au succès grandissant. Puis une deuxième, quand la môme Edith Piaf le prend sous son aile. L’ambitieux « génie con », comme elle l’appelle, décide de se lancer en solo. Les critiques moqueuses sont au rendez-vous, mais pas le public, jusqu’à ce soir à l’Alhambra qui se conclut par un final triomphal. Le début d’une spirale vers les sommets qui ne s’arrêtera jamais.

Cœur battant

Raconter la vie du « plus grand monstre sacré de la chanson française » : la tâche était immense, à la hauteur de la vie de l’interprète de « La Bohème », homme de tous les superlatifs, avec plus de 1 200 chansons écrites et des tournées mondiales. Grand Corps Malade et Mehdi Idir s’y sont attelés avec humilité et respect. Le duo de réalisateurs aurait été choisi par Aznavour lui-même, peu avant sa mort en 2018, impressionné par leur film Patients. Ils parviennent ainsi à condenser le parcours de la star en un peu plus de deux heures, dans des décors et reconstitutions luxueuses.

Ils n’éludent pas les débuts laborieux du fils de réfugiés, et montrent que son grand talent était synonyme de travail acharné. Mais le cœur battant de ce biopic est bien sûr son acteur principal, Tahar Rahim. Comme à son habitude, l’acteur césarisé a mené une intense préparation en amont, se documentant, y compris auprès des membres du clan, et travaillant le chant entre six et huit heures par semaine pendant six mois avant le tournage. À l’écran, il recrée le parler traînant d'Aznavour, sa gestuelle saccadée, son charisme inattendu, dans un travail bluffant d’incarnation et d'appropriation du personnage. Bref, il est formidable, et nous emmène au pays d’Aznavour.

Monsieur Aznavour, sortie le 23 octobre 2024 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France

Partager cet article sur :

Nos derniers articles

Fable morale ou amorale, film noir rural, récit mystique, Miséricorde synthétise une grande part des motifs et obsessions du réalisateur Alain Guiraudie.

Le film de Boris Lojkine nous plonge dans l’intimité d’un jeune Guinéen sans papiers, mais aussi dans le quotidien précaire de nombreux livreurs de repas que les Parisiens croisent tous les jours.

Rongées par le capharnaüm assourdissant de Mumbai, trois femmes se mettent en quête d'un nouvel horizon, espérant y trouver, pour la première fois, un espace de liberté. Avec le brillant All We Imagine As Light, Payal Kapadia s'impose comme une cinéaste à suivre.

En se livrant à une nouvelle adaptation du roman d'Emmanuelle Arsan, l'autrice de L'Événement promet de contemporanéiser les représentations du film de 1974, en premier lieu celles du plaisir et du consentement féminins

La newsletter

Chaque mercredi, le meilleur des sorties culturelles à Paris avec L'Officiel des spectacles !