[critique] Nosferatu : Robert Eggers revisite le mythe du vampire

Après une incursion dans le folklore nordique (Northman), Robert Eggers s'attaque au mythe du vampire avec le remake du chef-d’œuvre de F.W. Murnau, sorti en 1922. Le réalisateur américain signe une relecture visuellement sublime et respectueuse de son matériau.
Sorti en 1922, Nosferatu de F.W. Murnau marquait la première adaptation officieuse – et controversée, puisque le producteur Albin Grau n'en avait pas obtenu les droits – de Dracula de Bram Stoker. Proposition expressionniste et hypnotique, l’œuvre muette posait alors les fondements d'un mythe cinématographique. Cent-deux ans plus tard, Robert Eggers (The Witch, The Lighthouse, The Northman) se lance dans l'exercice périlleux du remake, emboîtant le pas à Werner Herzog, qui, en 1979, avait signé sa propre réadaptation (Nosferatu, fantôme de la nuit).
Au même titre que son prédécesseur, Eggers s'applique à respecter son modèle, mais s'offre également quelques clins d’œil au Dracula de Francis Ford Coppola (1992). La trame narrative reste la même : un jeune clerc de notaire, Hutter (Nicholas Hoult), est envoyé en Transylvanie pour faire signer un acte au comte Orlok (Bill Skarsgård). Restée à Wisburg, sa fiancée Ellen (Lily-Rose Depp) est en proie à des visions terrifiantes... Mais Nosferatu 2024 réussit à imposer son propre style. Plus ténébreux et plus violent, le long-métrage est une démonstration technique, habitée par des visions d'une beauté stupéfiante. Tel un orfèvre, Eggers déploie un travail rigoureux, soignant chaque décor et détail historique. Le résultat pousse ainsi les curseurs de l'immersion.
Entre tradition et modernité
L'autre réussite du film tient à sa capacité à faire la jonction entre l'imitation et l'interprétation, entre le film d'auteur et le grand spectacle. Bien qu'épousant l'écrin gothique et transylvanien de ses aînés, cette nouvelle version n'oublie pas pour autant les codes contemporains du genre. À commencer par les jumpscares, utilisés avec parcimonie, mais aussi par les scènes de possession qui assument davantage leur charge érotique. À ce titre, on ne peut que saluer l'interprétation de Lily-Rose Depp, qui incarne une héroïne modernisée, tour à tour victime torturée et figure providentielle. Toute en contorsions et tremblements, elle s'illustre dans une performance physique impressionnante. Face à elle, Bill Skarsgård incarne un Orlok métamorphosé : plus massif, ce dernier tient davantage du monstre que de l'incarnation romantique du vampirisme.
Nosferatu, sortie le 25 décembre 2024 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France
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