[critique] Perfect Days : Éloge du quotidien

Haut et court

Wim Wenders signe là sa plus belle fiction depuis des lustres, et nous invite, à la suite de son héros (employé affecté à l'entretien de toilettes publiques), à une odyssée de l'ordinaire lumineuse, mais aussi souterrainement poignante.

Figure majeure de la Nouvelle Vague allemande des années 1970, Wim Wenders avait atteint l'apogée de sa notoriété publique et critique avec Paris Texas (Palme d'or à Cannes en 1984) et Les Ailes du désir (1987), avant de voir décliner quelque peu son inspiration. Ces dernières années, l'auteur s'était surtout distingué par ses documentaires, notamment le beau Pina, dans lequel il usait de la 3D pour rendre hommage à la célèbre chorégraphe Pina Bausch. Une technique à laquelle il recourt à nouveau dans Anselm, nouveau documentaire sorti le mois dernier... Ses fictions, en revanche, souffraient parfois de leurs dispositifs épais... C'est donc une divine surprise que de le voir renouer ici avec le meilleur de son cinéma.

Les petits riens du petit coin

Solitaire et peu loquace, Hirayama, la cinquantaine, affecté à l'entretien de toilettes publiques tokyoïtes, mène une existence réglée comme du papier à musique... À partir de cet embryon de récit, qui peut rappeler le Paterson de Jim Jarmusch (quelques jours dans le quotidien répétitif d'un employé municipal, où la moindre variation est sommée de faire événement), Perfect Days nous invite à partir traquer la poésie dans le moindre recoin. Or, loin de se limiter à composer une lénifiante leçon de zen, Wenders suggère, au détour d'une scène, que son philosophe des latrines est peut-être, aussi, un homme en rupture de ban...

C'est qu'il y a, dans ce portrait minimaliste, en plus de l'humour et de la douceur propres à l'auteur, un soupçon de tristesse. Mais, surtout, une joie communicative à voir Wenders s'autoriser à partager, via les cassettes qu'écoute son héros (entre Otis Redding, Nina Simone et Lou Reed) certains des classiques de la pop dont on devine qu'ils ont scandé sa propre vie.

Faire œuvre de modestie, redoubler de simplicité... Fort de ce programme anti-spectaculaire, Wenders se montre plein de tendresse pour ses personnages, et témoigne d'une attention de chaque instant aux petits gestes, et à la lumière qui les baigne. Et signe, avec ce road-movie ramené plus ou moins à l'échelle d'une série de trajets domicile-travail, d'une part un autoportrait en travailleur minutieux, d'autre part une séduisante miniature de son œuvre passée.

Perfect Days, sortie le 29 novembre 2023 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France

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