[critique] Santosh : Un drame percutant sur la banalité du mal

© Taha Ahmad

Une jeune veuve indienne, Santosh, récupère le poste de son défunt mari et devient gardienne de la paix. Le meurtre et le viol d'une jeune Intouchable va bouleverser sa conception de la justice.

Le film commence en énonçant une loi si absurde qu'on peine à croire à sa réalité : en Inde, quand le mari meurt, la veuve peut, moyennant une formation sommaire, reprendre le poste du défunt. Une aubaine pour Santosh, récemment veuve et chassée de sa belle-famille. Devenant policière, elle va porter sur elle l'objet du deuil, délaissant le voile pour l'uniforme. Réduite à sa fonction procréatrice dans sa famille, elle va apprendre à s'affirmer en tant que personne à part entière.

Le film met en crise la notion de caste : Santosh, innocente et idéaliste, ne cherche pas à différencier les nobles des Intouchables, les hindous des musulmans, les hommes des femmes. Mais le réel court plus vite que les idées ; quand une jeune Intouchable est retrouvée tuée, l'enquête va naviguer entre la recherche du coupable et la volonté de la police et des édiles locaux d'en trouver un – même s'il s'avère être innocent.

Le récit est nerveux, filmé caméra au poing, suivant la pensée trouble d'une femme qui en voulant servir le bien commun, ne sait plus de quel côté se trouve la morale. La célèbre formule de Hannah Arendt, la banalité du mal, prend ici un tour tragique. Happée par son désir de vérité, Santosh finit par devenir violente et injuste presque sans s'en apercevoir. La lumière du film accentue ce glissement, jouant sur les clairs-obscurs – comme si les personnages cachaient tous quelque chose, entre ombre et lumière...

Une sororité ambiguë dans le chaos indien

La réalisatrice indienne, Sandhya Suri, vient du documentaire et cela se sent. Jamais manichéen (Santosh est une bonne policière mais accepte des pots-de-vin et couvre des bavures), le long-métrage est aussi un instantané sans concession d'une Inde à plaie ouverte. Les communautés religieuses et de genre y semblent hermétiques les unes aux autres. Et quand Santosh trouve un peu de réconfort, c'est dans les griffes de Sharma, inspectrice sévère et respectée de tous mais prête aux arrangements avec la vérité. Cette relation sororale entre deux femmes obligées d'en faire deux fois plus que les hommes est vénéneuse : on ne sait plus, à un certain point, qui étend son emprise sur qui – la jeune idéaliste ou la vétérane résignée ? C'est toute la force de Santosh : montrer que la réalité elle-même est une construction sociale.

Santosh, sortie le 17 juillet 2024 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France

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