[critique] Sarah Bernhardt, la divine : Portrait d'une femme passionnée et passionnelle

© Les Films du Kiosque

Guillaume Nicloux (La Petite, Dans la peau de Blanche Houellebecq, Valley Of Love) met à nu les passions et les tourments de la grande Sarah Bernhardt. Porté par une Sandrine Kiberlain en état de grâce, le résultat prend l'exercice du biopic à contresens. Une réussite.

1923, dans le 17e arrondissement parisien. L'actrice française Sarah Bernhardt est à l'agonie. Son ami et amant Lucien Guitry étant à son chevet, elle se remémore les épisodes majeurs de leur relation passionnelle et tumultueuse.

La première chose qui frappe en visionnant le nouveau film de Guillaume Nicloux est sa construction narrative. Sarah Bernhardt, La Divine n'est pas un biopic à proprement parler, mais un portrait librement inspiré. Aux commandes du scénario, Nathalie Leuthreau sort du sentier chronologique et s'intéresse plus particulièrement à deux périodes marquantes de sa vie : le jour de sa consécration en 1896, et l’amputation de sa jambe en 1915. Si en définitive, le mystère de Sarah Bernhardt reste intact, ce geste cinématographique suffit à rendre compte d'une vie fascinante, ponctuée par les plaisirs (les amitiés et les amours libres de la « Voix d'or ») et les engagements politiques (encourager Émile Zola à prendre fait et cause pour Alfred Dreyfus).

La figure décrite par Guillaume Nicloux est un être libre et en rupture avec son époque. Son attitude, sa modernité et son indépendance sont telles qu'elles résonnent davantage avec notre temps. Mais la légende n'est pas sans failles. En témoigne son « talon d'Achille » : sa relation contrariée avec le comédien Lucien Guitry la réduit étrangement à une condition plus humaine.

Une réalisation rythmée pour une actrice au sommet

Fort d'une réalisation soignée et rythmée, le film de Guillaume Nicloux épouse les mouvements et les errances de son personnage, mêlant intimement les faits réels et les accents plus romanesques, voire extrapolés. Semblable à une mise à nu sentimentale, le résultat peut surprendre, mais insuffle juste ce qu'il faut de prise de risque pour sortir des conventions. Entourée d'interprètes de talent (Laurent Lafitte, Amira Casar, Laurent Stocker...) et délivrant à l'envi de savoureuses répliques, Sandrine Kiberlain met sa palette de jeu au service de ce destin unique. Tour à tour puissante et fragile, elle donne l'impression d'évoluer au bord d'un précipice, frôlant plusieurs fois le vertige et la chute. Ne serait-ce que pour ce numéro d'équilibriste, Sarah Bernhardt, La Divine vaut le coup d’œil.

Sarah Bernhardt, La Divine, sortie le 18 décembre 2024 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France

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