[critique] Un hiver à Yanji : Trois cœurs sur fond blanc (encre de Chine)

© Nour Films

Anthony Chen signe un merveilleux film entre ciel et terre, attrapant les étincelles nées de la rencontre de trois jeunes gens mélancoliques, au milieu des montagnes ouatées du nord de la Chine.

En 2007, le court-métrage Ah Ma obtenait une mention spéciale au Festival de Cannes, devenant ainsi le premier film singapourien à y remporter un prix. Son réalisateur, Anthony Chen, revint à Cannes en 2013 pour en repartir cette fois avec la Caméra d’or. Celle-ci récompensait Ilo Ilo, superbe premier long-métrage dans lequel la fibre sociale et intimiste du cinéaste s’exprimait déjà pleinement. Après Wet Season en 2020, également primé dans plusieurs pays, le cinéaste signe aujourd’hui un merveilleux film entre ciel et terre, attrapant les étincelles nées de la rencontre de trois jeunes gens mélancoliques, au milieu des montagnes ouatées du nord de la Chine.

Haofeng croque des glaçons, l’esprit ailleurs, mal à l’aise, tandis que les convives du mariage festoient dans la bonne humeur. On est à Yanji, tout près de la frontière avec la Corée du Nord, et tout est blanc. Le jeune homme rencontre Nana, guide touristique qu’il suit pour échapper aux festivités qui l’oppressent. Touchée par la gaucherie de ce garçon triste, Nana le présente à son ami Xiao, cuisinier et motard. Ces trois-là ne se quitteront plus durant une poignée de jours, tissant en un clin d’œil des liens aussi forts qu’inattendus.

Mélancolie chinoise

Au rythme des balades à moto en ville ou dans la campagne enneigée, cette parenthèse en forme de bulle de savon portée par le vent nous plonge en réalité dans le profond désarroi d’une génération de jeunes Chinois en quête d’une place dans le monde. Au fil des promenades, des soirées de beuverie, des étreintes, le désespoir d’Haofeng, la souffrance secrète de Nana, la fausse nonchalance de Xiao se révèlent peu à peu, jusqu’au point critique d’un basculement, peut-être d’une renaissance.

Anthony Chen donne au spleen de ces rebelles sans cause un écrin lumineux, parfois presque onirique, des couleurs changeantes de la ville à l’immensité immaculée des montagnes. D’une grande beauté plastique, ce bijou de sensibilité saisit avec finesse le subtil nuancier d’émotions ineffables qui traversent les trois personnages. Le cinéaste filme son trio avec une tendresse infinie, captant avec délicatesse ce moment de leur vie où, sans doute, tout se joue.

Un hiver à Yanji, sortie le 22 novembre 2023 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France

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