[flashback] Christophe Barratier revient sur l'incroyable succès des Choristes et de sa bande son
Il s'agit de l'un des films français les plus populaires du XXIe siècle. Par son histoire et sa bande son, Les Choristes a marqué une génération de spectateurs. Son réalisateur, Christophe Barratier, revient pour nous sur ce succès imprévisible.
À l'occasion du ciné-concert Les Choristes organisé à La Seine musicale, le réalisateur Christophe Barratier, dont c'était alors le premier long-métrage, a répondu à nos questions sur l'héritage de cette œuvre marquante du cinéma français des 20 dernières années.
Comment expliquez-vous le statut de film « culte » des Choristes, qui a marqué une génération ?
Sorti en salles il y a bientôt 20 ans, Les Choristes reste un des plus grands succès du cinéma français, chaque année découvert par de nouveaux spectateurs. Distribué dans plus de 100 pays, multirécompensé, nommé aux Oscars, sa notoriété se consolide de génération en génération. On peut parler d’un film culte ou d’un classique, ce qu’évidemment personne ne pouvait anticiper à l’époque. Le public s’en est emparé, et le film nous a échappé.
Au fil des ans, Clément Mathieu, le pion, Rachin, le dirlo, Morhange ou Pépinot sont devenus des personnages du répertoire, survivant bien au-delà des acteurs qui les ont créés, tout comme certains titres musicaux sont devenus des classiques. Beaucoup se sont hasardés à analyser les raisons qui ont contribué à ce phénomène. Toujours aisé d’expliciter après coup, le succès d’un film tient d’une alchimie de plusieurs facteurs et d’une part d’irrationnel.
Je peux néanmoins témoigner d’un fait : dans les nombreuses présentations auxquelles j’ai assisté sur les cinq continents, j’ai pu observer que les spectateurs riaient et s’émouvaient de la même façon et aux mêmes moments. Au-delà des qualités que l’on peut prêter au film, cela prouve que quelle que soit notre origine, notre culture, notre classe sociale ou notre âge, une chose nous réunit et se partage de façon universelle : les blessures et les joies de l’enfance.
À l'époque, comment avez-vous travaillé avec Bruno Coulais pour la composition de la bande-originale du film ?
De façon très empirique, et sans aucune pression. Nous étions certes des « professionnels » mais au fond, comme c’était mon premier film et que personne ne prenait vraiment le projet au sérieux, notre façon de fonctionner tenait plutôt de l’enthousiasme des amateurs. Bruno Coulais adorait le scénario mais ne se sentait pas tout à fait à l’aise quant au style volontairement désuet que je voulais imprimer aux titres.
Il a fallu que je le « violente » un peu pour l’emmener sur un terrain sans doute moins innovant et plus classique que celui des œuvres magnifiques qui marquaient son style jusque-là. Je me suis lancé à composer la mélodie de « Cerf-volant », sorte de déclencheur auquel il a répondu par le désormais culte « Vois sur ton chemin », suivi très vite par le somptueux « Caresse sur l'océan », puis l’élégiaque « Kyrie », enfin « Lueur d’été », et ainsi de suite… sans compter les titres additionnels composés plus tard pour la comédie musicale créée au Folies Bergère.
Quant aux paroles, je les ai écrites en toute inconscience, presque avec un dictionnaire de rimes, en partie parce nous n’avions pas les moyens d’engager un parolier professionnel. Quand je pense qu’un an plus tard, Beyoncé chantait « Vois sur ton chemin » aux Oscars, je crois toujours rêver. On nous offrirait aujourd’hui les plus grands moyens pour rééditer l’exploit que nous n’arriverions pas à la cheville du premier essai, parce réalisé en toute liberté et toute inconscience.
Qu'apporte le format du ciné-concert à un film musical ?
La magie de l’instant. Une bande son de film est mécanique, toujours identique à l’image près, sans surprise. Alors qu’une interprétation sur scène est vivante, palpable, humaine. Elle peut avoir ses hauts et ses bas, ses moments de stress ou de grâce, mais elle nous garde toujours en éveil. L'émotion qu’elle crée est unique et irremplaçable.
Y-a-t-il eu un travail de réorchestration des morceaux à l'occasion de cette projection ?
Sans doute mais je n’en sais rien, n’ayant pas participé au projet. Tant mieux, d’ailleurs. J’aurai d’autant plus plaisir de le découvrir, d’être un spectateur comme les autres.
→ Ciné-concert « Les Choristes » le samedi 18 février 2023 à la Seine musicale (Grande Seine), en présence de Christophe Barratier et Bruno Coulais
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