La Femme de Tchaïkovski [critique] : Une femme de son temps

Après l'expérience vertigineuse qu'était La Fièvre de Petrov, Kirill Serebrennikov signe un nouveau projet cinématographique aux atours plus classiques. La Femme de Tchaïkovski réserve néanmoins son lot de surprises grâce à une mise en scène toujours aussi originale qui interroge le spectateur sur la condition féminine.
Kirill Serebrennikov multiplie les motifs, qu'ils soient chromatiques, le choix des tenus d'Antonina ou le sépia de certaines chambres quand monte le dégoût, ou bien par l'apparition d'une mouche, trahissant le pourrissement de l'intrigue. Symboliquement, l'insecte se pose sur le visage du compositeur, pour ensuite refaire son apparition ponctuellement, rappelant en une fraction de seconde la présence du mal qui ronge et gangrène l'esprit de la jeune femme qui a perdu tout éclat en même temps que sa raison.
Mais au-delà de ces passionnants détails, c'est toute la mise en scène du réalisateur russe qui bascule au milieu de l'histoire, par un rêve ou une scène troublante, questionnant jusqu'à la véracité des images, celles-là même que l'introduction nous avait assurée être la pure vérité historique. Tchaïkovski disparaît presque complètement du plan, la seule Antonina s'enfonçant toujours plus profondément dans son obsession à le faire revenir auprès d'elle, afin de remplir leur contrat, un mariage sans passion réciproque, lui permettant de l'aimer et se rendre utile.
Une histoire en trompe l'oeil
Ce film a l'apparence classique se montre alors sous son véritable jour : un tourbillon, qui au détour d'une scène se métamorphose pour illustrer au plus près les sentiments du personnage principal, ainsi que l'hypocrisie et l'ignominie rampante qui suinte de chaque seconde. C'est dans un final magistral, qui n'est pas sans rappeler Leto et La Fièvre de Petrov, que Kirill Serebrennikov enfonce le clou de son film le plus noir et le plus cynique à ce jour, mais aussi sans doute le plus riche dans une complexité très surprenante, à rebours de sa structure de film historique en costumes.
La Femme de Tchaïkovski, sortie le 15 février 2023 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France
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