La Nuit du 12 : l'effarante banalité du crime [critique]
Dominik Moll signe un film beau, étrange et mélancolique sur les féminicides.
Une nuit, dans un petit quartier pavillonnaire, une jeune femme est brûlée vive par un inconnu. D'interrogatoires en fausses pistes, la Police Judiciaire piétine... et l'enquête s'éternise.
D'emblée, la mèche est vendue : l'assassin ne sera jamais identifié ; l'enquête de la PJ rejoindra les quelque 20% de crimes qui, chaque année, restent irrésolus... Façon pour le cinéaste d'annoncer qu'il sera ici moins question de mettre en scène un traditionnel whodunit aux accents ludiques, ou un thriller à suspense et aux rebondissements multiples, qu'une immersion réaliste dans la déconcertante banalité du crime.
Quoi de plus naturel pour un cinéaste qui, de Harry, un ami qui vous veut du bien à Seules les bêtes, s'est toujours attaché à explorer l'étrangeté du quotidien, jusqu'à flirter parfois avec une forme de doux fantastique ? Enquête déceptive - mais pas décevante -, La Nuit du 12 revisite également avec brio l'un des motifs pourtant éculés du genre : celui de l'affaire criminelle qui hante, qui ne passe pas, qu'il n'est pas possible de laisser derrière soi. Celle qui, par sa non-résolution, son horreur, sa singularité, ou au contraire son effarante banalité - ou pour des raisons qui échappent à l'enquêteur -, dépasse, de loin, le simple cadre professionnel.
Une violence systémique
Porté par un étonnant Bastien Bouillon, et par un Bouli Lanners à fleur de peau, le film, en tout point contemporain, ne fait guère secret de la question qui le fonde : la violence systémique exercée contre les femmes. Une violence qui, non seulement innerve le récit - car c'est bien d'un féminicide qu'il est question -, mais est aussi verbalisée, désignée par les personnages au sein même de leurs dialogues, d'une façon qui fleure moins le didactisme que le souci de rappeler, le plus clairement possible, l'affolante réalité des choses.
Oui, ce sont majoritairement des hommes qui se rendent coupables de crimes, puis encore majoritairement des hommes qui enquêtent sur ces mêmes crimes ; non, personne, dans le cortège d'hommes violents, décevants ou insensibles, que convoque La Nuit du 12, ne sera désigné comme coupable, mais chacun pourrait l'avoir été en définitive. Tant chacun ici participe, sans même en avoir conscience, de la violence systémique exercée contre les femmes. Le constat est accablant, la démonstration limpide.
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