L'Année du requin [critique] : Les Landes ont des dents
Pour leur troisième long-métrage, les frères Ludovic et Zoran Boukherma continuent de jouer avec les genres cinématographiques.
Sur le point de prendre sa retraite, une gendarme maritime traque un squale semant la terreur dans les eaux de Biscarrosse. Pour leur troisième long-métrage, les frères Ludovic et Zoran Boukherma continuent de jouer avec les genres cinématographiques. Le résultat ? Une comédie aussi mordante que rafraîchissante.
Avec la comédie horrifique Teddy (prix du jury à Gérardmer en 2021), les frères Boukherma dépoussiéraient le film de loup-garou sur fond de peinture sociale et de chronique rurale. Un an après, les jeunes cinéastes font leur retour avec un nouvel essai hybride. Sur le papier, la formule reste à peu près la même, mais le genre revisité est tout autre. Pour cause, avec L'Année du requin, le duo offre au cinéma français son premier film de requin. On y suit la téméraire Maja (Marina Foïs), gendarme maritime dans les Landes. Alors que celle-ci redoute son départ à la retraite, un énorme squale pénètre les eaux de Biscarrosse, menaçant les locaux et les touristes. L'alerte est sonnée : au grand dam de son mari Thierry (Kad Merad), Maja se donne pour ultime mission de traquer la bête afin de rétablir la paix au sein de la station balnéaire.
Une aventure carnassière en deux temps
Ramassé en une heure vingt, L'Année du requin évolue sur une trame ténue. En effet, nul rebondissement à l'horizon : le long-métrage reprend à peu près tous les codes établis, 47 ans plus tôt, par un certain Steven Spielberg avec Les Dents de la mer (dont le film est ici un hommage assumé). Si certains regretteront le manque de prise de risque, d'autres apprécieront les scènes joliment référencées. Il faut dire que la singularité du projet opère à d'autres niveaux : son humour noir, ses dialogues loufoques, ses seconds rôles farfelus et attachants...
Dans un premier temps, le résultat détonant n'est pas sans évoquer le cinéma inclassable de Bruno Dumont, ou encore le style de Quentin Dupieux. Puis, les réalisateurs tempèrent leurs effets comiques pour mieux s'intéresser à leur protagoniste. C'est alors que le film déploie des métaphores – souvent tendres – sur la marginalité, la solitude, la peur de l'avenir, l'exclusion sociale... Éprouvée par la traque et la défiance de certains citoyens, le personnage Maja laisse ainsi entrevoir ses failles et ses démons. Tout comme dans Teddy, la figure du héros chez les Boukherma est souvent brisée et elle se double d'une certaine mélancolie. Et qui de mieux que la toujours excellente Marina Foïs pour exprimer intelligemment cette dualité ?
L'Année du requin - Sortie le 3 août 2022 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France
Partager cet article sur :
Nos derniers articles
Michel Hazanavicius (OSS 117, The Artist, Coupez !) réalise son premier film d'animation. Le cinéaste, qui avait toujours dit ne pas vouloir faire de film sur la Shoah, adapte finalement le conte de Jean-Claude Grumberg.
Un avocat, atteint d’un mal étrange appelé la « folie des sentiments », plaque famille et métier pour partir sur les routes. Il se laisse guider par ses envies – acheter une trompette, par exemple – et par ses rencontres...
Le nouveau film de Coralie Fargeat, Prix du scénario à Cannes, pousse dans ses ultimes retranchements le fantasme de jeunesse éternelle véhiculé par Hollywood.
Filmant les contradictions de l'Amérique, Sean Baker montre un pays toujours à mi-chemin entre le parc d'attractions et la jungle. Palme d'or du Festival de Cannes 2024.