Les Amandiers [critique] : Le théâtre ou l’Art d’apprendre à être
On retrouve tout le talent, l’humour et la personnalité de Valeria Bruni Tedeschi dans ce nouveau long métrage comme toujours pour partie autobiographique, vibrant hommage au théâtre dans ce qu’il a d’édifiant et à Patrice Chéreau qui fut l’emblématique directeur de celui des Amandiers de Nanterre.
Début des années 1980. Fille d’une famille aisée, Stella est retenue avec onze autres élèves comédien.ne.s pour la nouvelle saison théâtrale des Amandiers de Nanterre dirigée par le charismatique mais bouillonnant et insaisissable Patrice Chéreau. Entre répétitions, sautes d’humeur du metteur-en-scène, stage à l’Actor’s Studio de New York, misères du quotidien, chacun.e va devoir puiser en lui/elle les ressorts qui lui permettront de participer à la représentation en public de fin d’année dans une époque traversée par le Sida et la drogue. Une magnifique et poignante mise en abyme entre théâtre et cinéma.
Le paradoxe du comédien : apprendre à être vrai pour représenter la vie
Sans aucun doute, ce sixième long métrage de Valeria Bruni Tedeschi comptera parmi les meilleurs de sa filmographie, aussi intéressante qu’éclectique. Empruntant comme chaque fois à ses propres souvenirs, elle signe en effet un hommage bouleversant du 7e Art au 6e sans les trahir ni l’un ni l’autre : images soignées, plans variés, décors joliment cadrés, lumières chaudes pour le premier. Exploration en profondeur de l’essence dramatique pour le second.
Sans jamais être pesante ou didactique, elle nous amène ainsi, au fil des répétitions sous la férule de Chéreau, des liens se nouant et se déliant entre les élèves, de leurs persévérance comme de leurs découragements, à nous interroger sur notre vérité, tant sur scène (ici le théâtre, ailleurs la vie sociale) que dans le secret de notre intime : où se situe la frontière entre le vulgaire et le génie, la force émancipatrice de l’amour et la perversion douloureuse de l’égotisme, le masque que l’on affiche et l’authentique que l’on cache ?
Si tous les acteurs sont formidables, Etienne (Sofiane Benacer), rongé par ses doutes et ses addictions, offre un miroir incandescent à Stella (Nadia Tereszkiewicz) lumineuse dans sa volonté de surmonter les obstacles tant artistiques que sentimentaux qu’elle affronte. Si on y ajoute la bande musicale, véritable madeleine proustienne des eighties, voilà un film puissant qui nous remue en profondeur et se révèle d’une grande beauté humaine.
Les Amandiers, sortie le mercredi 16 novembre 2022 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France
Partager cet article sur :
Nos derniers articles
Michel Hazanavicius (OSS 117, The Artist, Coupez !) réalise son premier film d'animation. Le cinéaste, qui avait toujours dit ne pas vouloir faire de film sur la Shoah, adapte finalement le conte de Jean-Claude Grumberg.
Un avocat, atteint d’un mal étrange appelé la « folie des sentiments », plaque famille et métier pour partir sur les routes. Il se laisse guider par ses envies – acheter une trompette, par exemple – et par ses rencontres...
Le nouveau film de Coralie Fargeat, Prix du scénario à Cannes, pousse dans ses ultimes retranchements le fantasme de jeunesse éternelle véhiculé par Hollywood.
Filmant les contradictions de l'Amérique, Sean Baker montre un pays toujours à mi-chemin entre le parc d'attractions et la jungle. Palme d'or du Festival de Cannes 2024.