Les Harkis [critique] : Les supplétifs, négligés de l’Histoire

© Pyramide Films

Auteur du prémonitoire La Désintégration (2011) sur le terrorisme et du désenchanté Amin (2018) sur les immigrés, Philippe Faucon aborde le drame des Harkis, ces supplétifs qui s’engagèrent dans l’armée française durant la Guerre d’Algérie. Un récit bouleversant et tout en justesse au nom de la Mémoire.

Kaddour, dont le frère a été décapité, Salah au chômage et endetté, et Krimou, prisonnier rebelle ayant parlé sous la torture, se retrouvent au sein de la nouvelle Harka 354 sous les ordres du Lieutenant Pascal. À travers trois moments clés allant de la fin des années 50 à 1962, nous suivons, au fil de leurs missions, la lente montée de leurs doutes vis-à-vis de leur engagement et de leur avenir alors que la radio parle de plus en plus de négociations secrètes entre la France et les organisations luttant pour l’Indépendance de l’Algérie. De son côté, comprenant que ses hommes vont être abandonnés, le Lieutenant Pascal décide de tout faire pour les aider à se faire rapatrier en France avec leur famille…

Une tragédie implacable et pénétrante non pour polémiquer mais comprendre

Philippe Faucon aime interroger les problèmes du temps et, à travers eux, décortiquer l’âme humaine. C’est encore le cas ici. La guerre qui est menée est réelle mais il s’intéresse d’abord à celle que mènent psychologiquement ses héros, face aux incertitudes de l’époque. Pourquoi s’engage-t-on ? Qu’est-ce que cet acte dit de l’identité, tant personnelle que vis-à-vis du groupe (au sens large) ? À cette fin, il prend le temps de filmer ses personnages, accorde autant de place aux dialogues qu’aux silences, n’use jamais d’artifices qui seraient seulement destinés à relancer les émotions ou le suspense.

Puis, à partir de cette mise à distance par la forme, il expose avec nuance les points de vue de l’ensemble des protagonistes afin de nous laisser penser, analyser et ressentir par nous-même. Plus finement, il suggère qu’en une telle situation, la parole peut être trompeuse, surtout quand la raison d’État s’en mêle, et les non-dits déstabilisants jusqu’à inverser les motivations de départ. Mais attention ! Il ne s’agit pas de relativisme. Pour lui, la guerre engendre avant tout souffrances et injustices chez les êtres qui la subissent comme ceux qui y participent. À ce titre, ce film éprouvant mais admirable, est à voir comme une page d’histoire universelle et intemporelle mais aussi comme une approche empathique de la nature humaine soumise au Destin, ici le Mektoub.

Les Harkis, sortie le 12 octobre 2022 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France

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