Les Rascals [critique] : Chronique d’une génération sacrifiée

© Lea Rener

Avec cette évocation, sèche et nerveuse, d'une bande de jeunes d'origines diverses aux prises avec l'ultra-violence de militants fascistes dans la France des années 1980, Jimmy Laporal-Trésor dresse le tableau sans concessions d'un effondrement politique.

Région parisienne, 1984. Une bande de jeunes, les “Rascals”, ainsi qu'ils se sont baptisés, vit gentiment en marge de la société, et (apparemment) sans souci du lendemain... Adoptant les atours d'une chronique, le film se montre d'une impeccable précision dans son observation de cette jeunesse : sa diversité (Antillais, enfants d'immigrés maghrébins ou cambodgiens...), son attitude, son langage et ses codes vestimentaires, la façon dont y cohabitent ou, au contraire, s'y contredisent et s'y affrontent, les tout derniers feux du punk rock, le revival nostalgique du rock des années 1950, l'émergence du hip-hop et la pratique du smurf...

“Mes copains sont tous en cabane / Ou à l'armée, ou à l'usine / Y se sont rangés des bécanes ...”, chantait Renaud en 1977 (Je suis une bande de jeunes), et la chanson dit quelque chose du destin de ces personnages : la prison, la conscription, ou l'entrée imminente dans un monde du travail qui ne fera que les condamner à la pauvreté de leurs parents... Mais, à cette réalité, s'ajoute une coordonnée propre à l'époque : l'émergence du Front National au Parlement Européen, la montée en puissance du GUD (le Groupe Union Défense, association étudiante fasciste) et les violentes exactions de la mouvance skinhead.

Un drame français

Sans concessions, plein d'une énergie mêlée d'une insondable tristesse, le film de Jimmy Laporal-Trésor (remarqué en 2021 à la Semaine de la critique pour son court-métrage Soldat noir), n'éludera, sans pour autant s'en repaître, aucune dimension de l'époque, et ne taira rien, violences policières comprises, du naufrage et des passions tristes d'une société française où ressurgit, à ciel ouvert, la nostalgie du IIIème Reich.

Le récit du récent Nos frangins de Rachid Bouchareb, qui revenait sur les morts de Malik Oussekine et Abdel Benyahia, se déroulait en 1986 – l'année où s'achève celui des Rascals... À eux deux, les films dressent le tableau d'une catastrophe française, et invitent à se retourner sur l'Histoire récente pour en prévenir la répétition. Car Les Rascals est, hélas, d'une actualité frappante : rappelons que le GUD, en sommeil depuis plusieurs années – au profit d'autres organisations fascistes –, a été réactivé en novembre 2022...

Les Rascals, sortie le 11 janvier 2023 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France

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