L'Homme debout [critique] : Choisir entre la liberté et la réussite

© Orange Studio

Une comédie sociale drôle, émouvante, parfois cruelle, sur deux façons d’appréhender la vie, la liberté et le plaisir, y compris par le travail.

Pour sa première réalisation, Florence Vignon trousse une comédie sociale pleine d’humanité, d’humour et de finesse sur la perte de sens de notre modernité où, au nom de l’efficacité, « les objectifs de vente » ont remplacé le lien et l’expérience sur le terrain.

Clémence Alpharo est recrutée à l’essai par Marcineau dans une entreprise de papier-peint qu’il veut reconvertir dans le mobilier. Pour assurer sa propre promotion, il exige qu’elle pousse Henri Giffard, VRP près de la retraite, à démissionner. Or, protégé par son statut, celui-ci refuse. Au fil de leurs rencontres, Florence et Henri, que tout oppose, vont apprendre à se connaître, s’affronter et se « sauver » mutuellement.

Une ode à la liberté sous les auspices de Rimbaud et de Saint-Exupéry.

« Arrêtez de penser et agissez ! » hurle Marcineau à Clémence qui découvrira in fine, tel le Petit Prince de Saint-Exupéry, qu’« on est responsable de ce que l’on a apprivoisé », à savoir Henri, qu’elle devait pousser à la démission et qui est fan de Rimbaud.

Adapté du roman Ils désertent de Thierry Beinstingel, Florence Vignon trousse un premier long magnifique. D’abord sur la forme, avec ses images soignées dont certaines, tel cet abribus en pleine campagne, évoquent les tableaux d’Edward Hopper. De même, bien qu’alerte, son rythme ménage de beaux moments d’intensité dramatique. Ses couleurs définissent subtilement les psychologies (tons froids et bleutés pour Clémence, chauds et ocres pour Henri) et la musique de Côme Aguiar aux consonances de valse et de blues voisine celle du Fabuleux destin d’Amélie Poulain (2001).

L’humour est constant et fin : quand Clémence apprend à déguster le vin ou lorsque Henri explique que le canapé est une arme de destruction massive car il nous avachit. Sur le fond ensuite. Mêlant poésie et acuité du regard, la réalisatrice oppose, à travers ses deux personnages, épicurisme et ambition, chaleur humaine et loi de la rentabilité, plaisirs des sens et âpreté de la réussite professionnelle, froideur des chiffres et humanité de l’expérience sur le terrain. Pour autant, elle cherche moins à accuser qu’à nous permettre de penser ce monde qui change. À preuve, bien qu’ayant toujours le mot liberté à la bouche, Giffard s’avérera moins libre qu’il le pensait. Un regard chaleureux revisitant les nouveaux paradigmes de la servitude volontaire.

L'Homme debout, sortie le 17 mai 2023 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France

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