Showing Up [critique] : L'âpre quotidien de l'artiste
À quelques jours d'une exposition, une sculptrice fait face à de modestes tracas quotidiens. La grande Kelly Reichardt retrouve Michelle Williams pour une évocation sèche et inspirée du processus créatif.
Après le succès surprise de First Cow en 2021 (plus de 100 000 entrées en France, pour une cinéaste dont les films, jusqu'alors, étaient restés plutôt confidentiels – en 2017, le splendide Certaines femmes, pourtant porté par Laura Dern, Kristen Stewart et Michelle Williams, n'avait fait que flirter avec la barre des 40 000 entrées), Kelly Reichardt, probablement l'une des autrices états-uniennes les plus importantes de sa génération, nous revient avec Showing Up.
Présenté à Cannes l'an passé, le film lui permet de retrouver, pour la quatrième fois, son actrice-fétiche, Michelle Williams, tout récemment sublime dans The Fabelmans de Steven Spielberg. Et dont elle fait le véhicule d'une chronique rêche, et inspirée, du quotidien d'une artiste...
Création, mon beau souci
Peintres soudainement saisis par l'inspiration, et recouvrant la toile d'amples coups de pinceaux ; écrivains se jetant sur la feuille (musiciens, sur le piano...), et composant d'une traite, comme en proie à la fièvre, le chef-d'œuvre qui leur vaudra leur renommée... Régulièrement, le cinéma, en plus de se focaliser sur des artistes unanimement célébrés, donne du travail créatif l'image caricaturale d'un emballement mystérieux.
Or, c'est une vision dépassionnée (mais pas moins passionnante) du quotidien de l'artiste, quels que soient sa discipline et la qualité de son travail – il n'est pas certain que les sculptures de Lizzie, le personnage principal, finissent au MoMa de New York –, que donne ici Kelly Reichardt. Qui, tout en se livrant, on peut le supposer, à une façon d'autoportrait, rappelle donc que la création est aussi affaire de routine, de discipline, de concentration perturbée, de négociation avec les petits tracas du quotidien – ici, une chaudière en panne, un oiseau blessé qu'il faut soigner...
Le cinéma de Reichardt, qui se fixe régulièrement pour horizon la traversée du territoire états-unien (de Wendy et Lucy, errance d'une jeune femme marginalisée, à La Dernière piste, récit de la perdition d'un convoi de pionniers dans l'Oregon des années 1840), est certes, ici, davantage porté, soit au surplace, soit à de minuscules déplacements. Mais c'est qu'il est avant toute chose attentif aux subtiles variations du visage de Michelle Williams – un paysage et une aventure en soi.
Showing Up, sortie le 3 mai 2023 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France
Partager cet article sur :
Nos derniers articles
Michel Hazanavicius (OSS 117, The Artist, Coupez !) réalise son premier film d'animation. Le cinéaste, qui avait toujours dit ne pas vouloir faire de film sur la Shoah, adapte finalement le conte de Jean-Claude Grumberg.
Un avocat, atteint d’un mal étrange appelé la « folie des sentiments », plaque famille et métier pour partir sur les routes. Il se laisse guider par ses envies – acheter une trompette, par exemple – et par ses rencontres...
Le nouveau film de Coralie Fargeat, Prix du scénario à Cannes, pousse dans ses ultimes retranchements le fantasme de jeunesse éternelle véhiculé par Hollywood.
Filmant les contradictions de l'Amérique, Sean Baker montre un pays toujours à mi-chemin entre le parc d'attractions et la jungle. Palme d'or du Festival de Cannes 2024.