The Son [critique] : Au nom du fils
Un père absent tente de renouer avec son fils en grande détresse psychologique. Un drame intime d'une rare intensité sur la difficulté de l'héritage et la douloureuse persistance des souvenirs.
Florian Zeller, réalisateur français du drame états-unien The Son est avant tout connu pour son métier de dramaturge. Après The Father (2020), sa première réalisation, il poursuit son œuvre audiovisuelle qui ausculte, derrière le stuc et le marbre des intérieurs bourgeois, les tiraillements humains et les dilemmes moraux. Quand Peter, avocat brillant mais accaparé par son travail, remarié et père d'un nouveau-né, reçoit la visite impromptue de son ex-femme qui lui annonce que Nicholas, leur enfant de dix-sept ans, ne va plus à l'école et souhaite vivre chez lui, son monde ordonné s'écroule peu à peu. Car Nicholas, atteint d'une sévère dépression, va faire éclater la bulle de non-dits et de faux-semblants qui jusqu'alors, préservait Peter de son propre héritage...
Un huis-clos où les non-dits explosent
The Son porte en lui un titre contradictoire, car le film se focalise bien plus sur le personnage de Peter (joué avec une fragilité intense par « Wolverine » Hugh Jackman, parfait dans son rôle) que sur celui, forcément atone, de Nicholas, qui cherche avant tout à exister pour lui-même et non pour son père et son idée de la réussite. La quête illusoire de bonheur de son fils se heurte sans cesse contre les murs des conventions sociales, des reproches et de la grande peur de décevoir ses parents. Peter lui-même, lors d'une scène fugace avec son propre père, en fait l'amère expérience : on ne guérit jamais vraiment de son enfance, et les plaies refermées peuvent facilement se rouvrir.
Zeller, qui adapte ici une de ses propres pièces, orchestre avec brio un huis-clos d'une indéniable puissance dramatique, sans jamais virer au jeu de massacre. Au contraire, une grande humanité émane de chaque personnage, et dans cette lignée masculine, les femmes ont un grand rôle à jouer : l'ex-compagne de Peter, incarnée par Laura Dern ou la nouvelle épouse, jouée par Vanessa Kirby, apportent toutes deux un contrepoint salutaire et un regard tendre mais lucide à la virilité bornée de Peter et au mal-être insondable de Nicholas. Celui-ci par ailleurs, malgré un léger surjeu pour nos habitudes françaises, s'en sort avec les honneurs dans ce rôle complexe d'un jeune homme qui n'arrive pas à oublier son passé et s'interdit le futur. Avec The Son, Zeller mêle habilement l'étude de caractères et le récit psychanalytique, et confirme sa nouvelle place de cinéaste de premier plan.
The Son, sortie le 1er mars 2023 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France
Partager cet article sur :
Nos derniers articles
Michel Hazanavicius (OSS 117, The Artist, Coupez !) réalise son premier film d'animation. Le cinéaste, qui avait toujours dit ne pas vouloir faire de film sur la Shoah, adapte finalement le conte de Jean-Claude Grumberg.
Un avocat, atteint d’un mal étrange appelé la « folie des sentiments », plaque famille et métier pour partir sur les routes. Il se laisse guider par ses envies – acheter une trompette, par exemple – et par ses rencontres...
Le nouveau film de Coralie Fargeat, Prix du scénario à Cannes, pousse dans ses ultimes retranchements le fantasme de jeunesse éternelle véhiculé par Hollywood.
Filmant les contradictions de l'Amérique, Sean Baker montre un pays toujours à mi-chemin entre le parc d'attractions et la jungle. Palme d'or du Festival de Cannes 2024.