​​​​​​​Canopée [critique] : pour le plaisir de se faire avoir !

© Fabienne Rappeneau

Boris Vigneron imagine et interprète un spectacle qui joue avec les attentes et avec les nerfs. Malin comme un singe, l’acrobate, acteur et musicien montre comment l’humain peut grandir de ses échecs.

Jouer à qui perd gagne. Prêcher le faux pour dévoiler le vrai. Avancer masquer. Boris Vigneron prend crânement le risque de vider la salle pendant les premières minutes de son spectacle. Tout commence avec la prestation pitoyable de Norenjiv, musicien et chanteur aux allures de troll électronique à la logorrhée égologique insupportable. On se demande vraiment ce qu’on est venu faire dans cette galère, jusqu’à ce que la galère prenne l’eau de toutes parts. Progressivement, tout dysfonctionne. Les machines, les instruments, les gadgets futiles se détraquent, le masque tombe en même temps que la perruque, et le roi est nu, avant même d’avoir régné.

Bête de scène

Outre le plaisir de s’être fait avoir, on découvre alors Boris Vigneron sous son alias, et le talent du comédien délié sous les oripeaux de l’homme-orchestre un brin foireux. D’effeuillage en renoncement, l’homme augmenté retrouve le singe originel. L’acrobate révèle son brio et sa souplesse, dans une poésie d’autant plus jouissive qu’elle a été débarrassée des artefacts qui la cachaient. Norenjiv passe à la trappe et Boris Vigneron sort de sa cage pour une démonstration zoomorphe à couper le souffle.

Ange au plafond

Mis en scène par Patrick de Valette, Boris Vigneron utilise toute la palette du burlesque, évoquant les grandes préoccupations existentielles et écologiques de notre époque en les soumettant au crible du rire. Ceux qui prennent la nature pour une déesse intouchable ou pour un réservoir à piller sont également ridiculisés. Reste alors la possibilité d’un rapport serein aux choses et à soi-même, quand l’homme cesse de faire la brute et que la technique est renvoyée à sa fonction auxiliaire, non plus pour remplacer l’homme mais pour soutenir ses élans créatifs. L’accident, la fragilité, le miracle spectaculaire apparaissent alors. Les humains qui en ont pris le risque (patience du spectateur dupe et audace de l’acteur mythographe) en sortent réconciliés et grandis.

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