[critique] 37 heures : Zéro de conduite

Elsa Adroguer interprète, avec une force et une dignité rares, l’histoire de l’emprise d’un loup sur un Petit Chaperon rouge qui voulait apprendre à conduire… Direct au cœur, uppercut au foie !
Pour qu’il y ait prédateur, il faut qu’il y ait proie. Plus la proie est tendre, meilleur est le festin. L’adolescente que campe Elsa Adroguer est une victime idéale : elle ne s’aime pas beaucoup, n’a jamais embrassé un garçon et ne va évidemment pas fâcher ses parents en abandonnant les leçons du moniteur le plus sympa de l’auto-école. La conduite accompagnée permet de réduire les accidents en offrant aux jeunes une autonomie précoce : il serait vraiment idiot de faire des histoires pour une main qui s’attarde, un mâle dominant qui s’épanche et viole une gamine venue volontairement dans l’antre du loup…
Assourdissant silence
La bête est repue, la gamine finit par savoir conduire : à la suivante ! Mais le mal est fait et personne n’a rien dit : ni les copains, à qui l’enfant n’ose pas se confier, ni les parents, qui ne voient pas, ni la société, qui préfèrent ignorer que celui qui se vante d’être un homme à femmes est un carnassier immonde. Y a-t-il vraiment eu viol, se demande le policier qui reçoit la plainte longtemps après ; la victime a-t-elle dit non ? Elsa Adroguer examine toutes ces questions à partir du récit des heures de conduite déviante, qui alterne avec celui de la compréhension tardive des violences subies, après que le traumatisme a détruit le corps et l’esprit de l’agressée.
Décence et vérité
Si Elsa Adroguer raconte crument les faits, elle réussit le tour de force de ne jamais tomber dans le graveleux ou le voyeurisme. Les allers-retours entre l’adolescence saccagée et l’âge adulte, ainsi que l’interprétation magistrale de tous les rôles de cette tragédie, font du spectateur un témoin, voire un soutien, jamais un complice. Les voix de Franck Mouget, Sylvain Galène, Philippe Du Janerand et Céleste Mouget et l’adroite scénographie de Valentine Bougouin, qui projette sur le fond de scène les repères temporels de l’histoire, soutiennent le jeu puissant et toujours juste de la comédienne. On découvre une remarquable interprète, vibrante, affûtée, précise et bouleversante.
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