[critique] Guten Tag, Madame Merkel : Les deux corps du roi.
En alternance avec Candice Bouchet, Anna Fournier reprend son seul en scène sur Angela Merkel, créé il y a trois ans. Un concentré d’intelligence et de talent ; une pépite à la Pépinière !
Réussir à parler avec Vladimir Poutine et à faire taire Donald Trump, faire ses courses chez Aldi et acheter du gaz en Russie, cacher une détermination inflexible sous un look de mémère : avec son allure d’éclaireuse protestante adepte des randonnées tyroliennes et experte de la soupe de pommes de terre, la plus terrible des filles du Kaiser a durablement marqué la politique allemande et le destin de l’Europe. Anna Fournier a adapté sa vie en un biopic épique et satirique qu’elle interprète depuis sa création, le jouant désormais en alternance avec Candice Bouchet.
La chancelière normale
Sidérant d’acuité politique, d’intelligence dramaturgique et d’art de l’incarnation, ce spectacle présente Angela Merkel comme une femme de paradoxes : omniprésente et mystérieuse, omnipotente et réservée, autoritaire et conciliatrice. Ses apparentes contradictions la rendent passionnante, même si le romanesque semble banni de son existence. À l’instar de Richard III, auquel le texte fait référence, elle a usé de l’assassinat politique, tué le père en Helmut Kohl, transformé le handicap (femme et Ossi) en force. Elle a gouverné d’une main de fer pendant « l’hiver du déplaisir » et des crises (subprimes, endettement grec, Ukraine), imposant l’austérité de la rigueur à toute la zone euro et se moquant de ceux qui la raillaient.
Une comédienne extraordinaire
Anna Fournier est Angela Merkel, mains jointes, tailleur sobre et scoliose discrète, pour aussitôt changer de posture et devenir sa conseillère en communication, son chef de cabinet, Poutine, Sarkozy et Hollande, Tsípras et Wolfgang Schauble, Joachim Sauer (le discret Monsieur Merkel) et tous ceux qui composent cette galaxie théâtrale que la comédienne fait apparaître sur scène avec génie. Elle réussit à transformer la vie politique européenne en saga palpitante et désopilante. La mise en scène (pensée avec Marie Sambourg) est économe et ultra efficace ; le jeu est éblouissant : une exceptionnelle leçon de théâtre sur la comédie du pouvoir !
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