[critique] Je ne cours pas, je vole ! : Sprint théâtral
La Comédie des Champs-Elysées reprend la pièce d’Élodie Menant et Johanna Boyé, créée l’an dernier au Théâtre du Rond-Point et quintuple nominée aux Molières : idéal pour préparer les J.O. !
Tout a l’air tellement facile : le sourire et les facéties d’Usain Bolt, l’aisance nonchalante de Laure Manaudou, la combattivité sans égale de Rafael Nadal, la souplesse des gymnastes russes. Comme le remarque Nietzsche à propos de l’artiste, le sportif de génie a tout intérêt à ce qu’on croit que la grâce l’inspire et qu’il est un surhomme. Mais qui dit l’adolescence sacrifiée sur la cendrée ou dans le bain chloré, les blessures, les aboiements des entraîneurs, l’inquiétude des parents, la pression des sponsors, la solitude abyssale face à l’Everest de l’effort ? Pour explorer l’envers du décor, Élodie Menant invente le personnage de Julie Linard, coureuse asthmatique et championne du dépassement de soi.
Enfers et Olympe
Johanna Boyé mêle habilement danse et jeu et dirige à un rythme trépidant les six comédiens qui interprètent cette fresque olympique et psychologique. Elodie Menant ou Marie Glorieux, Olivier Dote Doevi, Axel Mandron ou Slimane Kacioui, Vanessa Cailhol ou Emilie Eliazord, Laurent Paolini ou Arnaud Denissel, Marine Villet ou Gaëlle Pauly sont, tour à tour, les athlètes, Julie, son entraîneur, les membres de sa famille, les journalistes sportifs et tous ceux qui gravitent autour des dieux du stade. Les tableaux se succèdent sur un rythme trépidant. Victoire et enthousiasme, mais aussi doutes et fractures : le mental, plus encore que l’aptitude physique fait le sportif de haut niveau.
Niké, né de Styx
Si la pièce d’Elodie Menant et Johanna Boyé est théâtralement impeccable, servie par une troupe homogène et aussi soudée qu’une équipe olympique, elle a surtout la grande vertu de défaire la croyance au don, rappelant que seuls le travail, le désir infrangible d’être le meilleur et l’abnégation permettent de réaliser ses rêves. Si tout a l’air facile, rien ne l’est, et la vie de Julie n’a rien d’un parcours de santé. Elodie Menant et Johanna Boyé transforment ce chemin de croix en passion théâtrale, et offrent une plaisante introduction aux jeux qu’accueillera bientôt Paris.
Je ne cours pas, je vole ! à la Comédie des Champs-Élysées : réservez vos places avec L'Officiel des spectacles
Partager cet article sur :
Nos derniers articles
Maxence Gaillard s’installe brillamment au Lucernaire avec la pièce imaginée par Stéphane Landowski autour de la guerre des courants, qui marqua les débuts de la maîtrise de l’électricité.
Après le verger sous les étoiles de Fontaine-Guérin, où a été créée la trilogie à l’été 2024, le NTP propose une divine comédie avec Balzac en nocher, à l’intérieur du théâtre de La Tempête.
Victor Rossi reprend avec Matthew Luret la pièce qu’il a écrite et créée avec Antoine Demor. Un petit bijou théâtral, fin, vif et incisif, d’une grande intelligence et d’une implacable lucidité. Glaçant !
Au Théâtre Saint-Georges, Clément Viktorovitch, seul en scène, libère du temps de cerveau disponible en déjouant la confusion entre les vessies et les lanternes. Rallumons les lumières !