[critique] La Crème de Normandie : Vive la bonne chair !

© Philippe Escalier

Le Théâtre du Gymnase accueille la désopilante comédie d’Hervé Devolder et Milena Marinelli qui narre en chansons les aventures d’une maison close maquillée en orphelinat. Délirant et exquis !

Bernard Dimey le regrettait avec humour : on a vraiment fait une connerie en fermant les bordels ! Les filles y tapinaient au sec et les clients y étaient reçus au chaud. La viande était bien gardée et la vérole bien surveillée. Hervé Devolder et Milena Marinelli ont imaginé un voyage dans le temps, à la belle époque de la tolérance, des lanternes rouges et des canapés en velours, quand les maris pouvaient assouvir leurs fantasmes pendant que leurs régulières s’époumonaient à chanter des cantiques. On est à Elbeuf, à la Rose éclose, haut lieu des plaisirs normands.

Amusant bouiboui

Comme souvent l’entreprise quand elle est étranglée par la concurrence, celle de Philidor Fromentelle bat de l’aile. Il espère redorer la réputation de son claque et cherche le moyen d’en renflouer les caisses. Le quiproquo, carburant indispensable à la farce, va faire des miracles, puisque Lucienne Fromentelle se pique de venir faire la charité aux pensionnaires du foutoir qu’elle croit être des orphelines méritantes et dévotes. Parce que la comédie est encore plus savoureuse quand elle est sociale et qu’elle dénonce l’exploitation des femmes et l’humiliation des asservies, le malentendu conduit à la rédemption et à la sortie du ruisseau.

Joyeux boxon

Mise en scène par Hervé Devolder, qui en a aussi composé les musiques, cette sympathique et allègre pantalonnade emprunte sa forme au vaudeville et à la comédie de mœurs, étrillant gaiement la phallocratie benoîte et la bêtise des mâles dominants. Le décor de Jean-Michel Adam et les costumes de Jean-Daniel Vuillermoz s’inspirent des tableaux de Toulouse-Lautrec et offrent un charmant terrain de jeu aux comédiens qui chantent, dansent et jouent avec un bel entrain. Cornette et froufrous, prince charmant et catins délurées, bourgeois priapiques et matrone au grand cœur : la troupe interprète ces personnages fantaisistes avec un solide abatage ! Que la morale et les féministes se rassurent : tout est bien qui finit bien et la bidoche passe du lit à l’assiette !

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