[critique] La Réunification des deux Corées : Amour toujours

Joël Pommerat reprend ses variations amoureuses au Théâtre de la Porte Saint-Martin, après leur création il y a dix ans à l’Odéon-Théâtre de l’Europe (Ateliers Berthier). Immanquable !
Joël Pommerat et Éric Soyer, le scénographe de la compagnie Louis Brouillard, font passer La Réunification des deux Corées de son dispositif initial, dans lequel deux gradins se faisaient face, aménageant la scène comme un long couloir, à un rapport frontal avec le public. Des incursions dans la salle renforcent la sensation d’immersion et la fascination que provoque le spectacle. Joël Pommerat retrouve dans ce nouvel opus remanié des comédiens fidèles et toujours excellents : Saadia Bentaïeb, Agnès Berthon, Ruth Olaizola, Marie Piemontese, Yannick Choirat, Philippe Frécon, Anne Rotger, David Sighicelli et Maxime Tshibangu.
Un peu, beaucoup et jusqu’à la folie
Les fragments de cette vaste mosaïque sont autant de variations sur le thème de l’amour, de ses pulsions, de ses regrets, de ses éclats, de ses miracles, de ses colères, de ses jalousies et de ses déboires. Joël Pommerat fait l’inventaire des situations, des plus drôles aux plus terribles, du remords de l’ogre au désespoir du pendu, des déchirantes retrouvailles avec un mort à la désopilante trahison en cascade d’un promis polygame, confondu le jour de ses noces. L’humour est noir et la poésie est légère ; l’alternance entre gravité et farce finit de convaincre que l’amour consiste à « donner ce qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas », comme disait Lacan.
Époustouflante maîtrise
Comme toujours dans les spectacles de la compagnie Louis Brouillard, la maîtrise des effets techniques est sidérante et le jeu est confondant de vérité et de justesse. Le théâtre se fait art des mystères, donnant à vivre plutôt qu’à voir et plongeant le spectateur dans l’épaisseur tourmentée de l’âme humaine. Comme l’Eros que Diotime décrit à Socrate dans Le Banquet, Joël Pommerat est « un sorcier redoutable, un magicien et un expert », qui installe le désir entre profusion et pénurie, instabilité et complétude. Le théâtre, mieux que l’introspection, toujours complaisante, et la raison, souvent frappée d’amaurose, nous offre de découvrir ce que sommes.
La Réunification des deux Corées au Théâtre de la Porte Saint-Martin : réservez vos places avec L'Officiel des spectacles
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