[critique] La Voix d’or : Chansons douces et amours amères
Éric Bu met en scène le délicieux spectacle qu’il a coécrit avec Thibaud Houdinière. Un vibrant hommage au music-hall, entre romance palpitante, thérapie familiale et dérision clownesque !
L’histoire est vraie. Thibaud Houdinière ne s’en cache pas : il raconte celle de sa famille. Le pivot de cette épopée romanesque est son grand-père, Charles Gentes, chanteur d’après-guerre surnommé « La Voix d’or », que l’âge et le ressentiment figèrent en commandeur irascible. Éric Bu a brodé autour des souvenirs de son coauteur et des amours de Charles et Christine Vercel, autre vedette des années 1950, pour créer un spectacle qui réussit à allier subtilement drôlerie et émotion. La saga commence en Égypte et au Liban du côté maternel, dans les blessures de la Der des Ders du côté paternel.
La mémoire en chantant
Le spectacle s’ouvre sur les affres créatives d’Éric (excellent Marc Citti – en alternance avec Stéphane Giletta), qui peine à avouer son manque d’inspiration à Guillaume, un ami producteur (magistral Benjamin Egner). Leur dialogue, incisif et savoureux, permet une très adroite mise en abyme : les personnages surgissent comme par magie de la mémoire de Guillaume et de la fantaisie d’Eric. Sandrine Seubille, Elodie Menant, Grégory Benchenafi et Charlie Fargiala les interprètent : ils chantent, dansent et jouent avec un éblouissant talent. Stéphane Isidore est au piano pour accompagner les chansons d’Aznavour, Brel, Piaf, Trenet, Brassens, Montand, Dario Moreno, Dalida et même Claude François (désopilant moment !).
Poétique, ludique et nostalgique
Si l’histoire est parfois douloureuse, si Charles, pervers narcissique au cœur de pierre malgré sa voix de velours, est souvent odieux, la pièce évite la lourdeur du mélodrame en bondissant allègrement entre des morceaux du répertoire du music-hall que l’on retrouve avec grand bonheur. Tout est en clins d’œil malicieux et en gambades astucieuses, des décors de Marie Hervé aux costumes de Virginie H, des perruques et postiches d’Emmanuelle Verani aux chorégraphies de Florentine Houdinière. Servi par des interprètes remarquables, ce spectacle est une très belle réussite théâtrale et musicale. A ne pas manquer en cette rentrée prolifique !
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