[critique] L’Art de ne pas dire : Petite leçon d’autodéfense démocratique

Clément Viktorovitch © Just Arno

Au Théâtre Saint-Georges, Clément Viktorovitch, seul en scène, libère du temps de cerveau disponible en déjouant la confusion entre les vessies et les lanternes. Rallumons les lumières !

« Ce qu’il y a de véritablement effrayant dans le totalitarisme, disait Orwell, ce n’est pas qu’il commette des atrocités mais qu’il s’attaque au concept de vérité objective. » À force de prendre un mot pour un autre et de cacher des réalités abjectes sous des termes engageants, le libéralisme a réussi à anesthésier les esprits et à faire passer les liquidateurs de la démocratie pour les enfants du Bon Dieu. À la suite de Victor Klemperer, de Luc Boltanski et Eve Chiapello, à l’instar de Franck Lepage aux savoureuses gesticulations, Clément Viktorovitch propose d’appeler un chat un chat.

Novlangue et comédie du pouvoir

Le bonhomme est docteur en science politique et n’est pas comédien. Dont acte, puisqu’on ne vient pas l’écouter pour échapper à la réalité mais plutôt pour la regarder en face. Sa prestation relève davantage de la conférence que du théâtre, même si la scénographie et la mise en scène de son complice Ferdinand Barbet (coauteur du texte) lui donnent de la profondeur et du rythme. Clément Viktorovitch a fait ses classes dans les amphithéâtres, à la télévision et sur les réseaux sociaux, mais il passe la rampe avec allégresse et réussit efficacement son travail de dessillement burlesque.

Veillons et armons-nous en pensée !

Le spectacle s’annonce comme une fiction. « J’avance masqué », disait Descartes ; Viktorovitch avance moumouté ! La perruque qu’il arbore scelle la convention théâtrale : il n’est pas officiellement question de l’époque actuelle, ni de ses dirigeants, encore moins de leur cynisme glacial et de leur rhétorique nauséabonde, mais des aventures d’un sympathique conseiller en communication qui vend ses farces et attrapes à un politicien minable rêvant du trône et de la gloire. Notre Gorgias moderne lui apprend donc à parler, c’est-à-dire à mentir. Toute ressemblance avec des faits ou des personnes existants est évidemment fortuite, et on lira, pour continuer à n’être pas dupe de L’Art de ne pas dire, le livre éponyme sorti au Seuil en septembre 2024.

L'Art de ne pas dire au Théâtre Saint-Georges : réservez vos places avec L'Officiel des spectacles

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