[critique] L’Avare par Clément Poirée : Donner pour vivre et vivre pour donner
Clément Poirée met en scène un Avare « en mode radin », à poil et au poil. La Tempête se met au service de la ressourcerie de La Petite Rockette : jubilatoire, original, intelligent et solidaire !
Le plaisir commence avant le spectacle, à la lecture de l’amusante « wishlist » disponible sur le site du théâtre. Le spectateur qui veut jouer le jeu doit fouiller dans ses placards pour y trouver de quoi permettre à ce théâtre pauvre de faire son office. Dans le hall de la Tempête, on voit arriver un grille-pain, une tour Eiffel, un candélabre, un lustre, des frusques, du riz et un public hilare, d’évidence ravi d’avoir relevé la gageure : le théâtre est partage, la joie naît de la mise en commun, les cigales ont besoin des fourmis et le monde irait mieux si le cœur commandait.
Générosité du projet
L’accueil en salle est désopilant : Anne-Élodie Sorlin, Frosine de compétition, commente les dons pendant que la troupe les trie et les range sur les portants métalliques qui dessinent la scénographie. Les comédiens sont en petite tenue : la générosité des spectateurs et l’inventivité des maquilleurs, costumiers, régisseurs et techniciens les habillent progressivement. Nul besoin à Clément Poirée de discourir sur les vertus politiques, humanistes et festives du théâtre. Il montre en faisant, et le pari de cette expérience d’économie circulaire est gagné haut la main : tout ce qui est offert à la scène est ensuite cédé à La Petite Rockette pour réemploi.
Talent des artistes
La joie de cette soirée partageuse est amplifiée par un spectacle interprété avec brio, autour de John Arnold, extraordinaire Harpagon. Seul déjà vêtu, et accoutré comme les domestiques (grègues usées et veste de mauvaise ratine), il résiste à recevoir autant qu’à donner. Le comédien le campe en méchant satyre, stupide, narcissique et odieux. On se réjouit de sa défaite, autant que des amours de ses enfants et de la victoire de ceux qui le trompent. La troupe de comédiens réunie par Clément Poirée est épatante de drôlerie. Tout est à vue : roueries des malins, artifices scéniques et ficelles du jeu. Si le monde est un théâtre, ce théâtre, altruiste et radieux, indique comment sauver les hommes.
L'Avare au Théâtre de la Tempête : réservez vos places avec L'Officiel des spectacles
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