[critique] Le Bateau pour Lipaïa : Le quatrième âge à Cythère

© DR

Bérengère Dautun, directrice du Studio Hébertot, embarque avec Emmanuel Dechartre pour une touchante traversée des sentiments sur la scène amoureuse et badine de son petit théâtre.

Régulièrement, la scène française embarque pour Lipaïa. Créée par Edwige Feuillère et Guy Tréjan, la pièce fut reprise par Simone Valère et Jean Desailly, puis par Geneviève Casile et Jean-François Guilliet. Cette fois-ci, Emmanuel Dechartre et Bérengère Dautun sont à la barre : ils campent Lidia et Rodion. Elle séjourne dans le sanatorium dont il est le médecin-chef. Excentrique et fantaisiste, l’ancienne comédienne n’obéit guère aux ordres qu’impose la cure. Obsessionnel et bougon, le praticien tâche de la faire rentrer dans le rang. Tous deux ont le cœur cabossé ; tous deux cachent leurs blessures sous le masque social : la fantaisie pour l’une, l’esprit de sérieux pour l’autre.

Quand on n'a que l’amour

Ils sont à l’âge des croisières pour seniors, plus à celui où l’on brûle ses vaisseaux pour embarquer vent debout vers Cythère. Lipaïa demeure un fantasme : ils n’iront pas, mais le seul fait qu’ils en rêvent atteste de la promesse d’un été indien : on peut s’aimer encore lorsque l’amour est mort. Bérengère Dautun, vive, pétillante et élégante en vieille dame indigne, incarne le bien que l’art peut faire à la médecine et les vertus thérapeutiques de la bonne humeur et de l’extravagance. Emmanuel Dechartre lui donne la réplique en Rodion ronchon, que la frivolité de sa malade agace d’abord, intrigue ensuite, séduit enfin.

Au jour du grand voyage

Dans un décor aux éléments mobiles, inspiré du constructivisme russe, les deux comédiens sont dirigés par Gil Galliot. Le metteur en scène les guide sans les brider, permettant à ces deux solides comédiens de donner toute la mesure de leur talent. Le rouge des tenues de Lidia finit par l’emporter sur la noirceur mélancolique de Rodion. Avec délicatesse et sans aucun écart scabreux, Emmanuel Dechartre et Bérengère Dautun prouvent non seulement que l’amour n’a pas d’âge, mais surtout qu’il est un dialogue entre deux âmes. La pièce d’Alexeï Arbouzov n’a pas pris une ride et ses interprètes sont émouvants et palpitants.

Le Bateau pour Lipaïa au Studio Hébertot : réservez vos places avec L'Officiel des spectacles

Partager cet article sur :

Nos derniers articles

Maxence Gaillard s’installe brillamment au Lucernaire avec la pièce imaginée par Stéphane Landowski autour de la guerre des courants, qui marqua les débuts de la maîtrise de l’électricité.

Après le verger sous les étoiles de Fontaine-Guérin, où a été créée la trilogie à l’été 2024, le NTP propose une divine comédie avec Balzac en nocher, à l’intérieur du théâtre de La Tempête.

Victor Rossi reprend avec Matthew Luret la pièce qu’il a écrite et créée avec Antoine Demor. Un petit bijou théâtral, fin, vif et incisif, d’une grande intelligence et d’une implacable lucidité. Glaçant !

Au Théâtre Saint-Georges, Clément Viktorovitch, seul en scène, libère du temps de cerveau disponible en déjouant la confusion entre les vessies et les lanternes. Rallumons les lumières !

La newsletter

Chaque mercredi, le meilleur des sorties culturelles à Paris avec L'Officiel des spectacles !