[critique] Le Huitième Ciel : Aimer pour être aimable
Jean-Philippe Daguerre invente une astucieuse fable contemporaine sur les déboires d’une jeune retraitée en mal de repères. Florence Pernel et ses compagnons de jeu sont tous très convaincants.
Le firmament, dernière enveloppe répertoriée par la conception géocentrique du monde, est le huitième ciel où sont fixées les étoiles. Une telle représentation suppose que cet élégant mobile ait un centre occupé par la plus parfaite de toutes les créatures, soit Agnès Duval, convaincue que tout gravite autour d’elle. De sa volonté ont surgi les buildings que son groupe de BTP a fait construire dans 27 pays d’Europe pour aller conquérir le ciel. Sauf qu’Agnès Duval, comme tous les mortels, même ceux qui se croient indispensables, part à la retraite et voit s’effondrer le monde dont elle pensait être le pivot.
Solaire Florence Pernel
Florence Pernel campe la fringante sexagénaire avec une énergie et une pétulance délicieuses. Elle excelle en insupportable égoïste ; elle est désopilante en cosmographe narcissique découvrant soudain avec horreur que tous les satellites qui jusqu’alors orbitaient gentiment autour d’elle prennent la tangente. Son mari quitte le domicile conjugal, sa fille part s’installer outre-Atlantique et il ne reste plus que le jardinier et ses deux protégés, un couple de Géorgiens sans papiers, pour peupler le ciel de son abandon. Agnès Duval va alors découvrir les joies du décentrement, au grand bénéfice de tout l’univers !
Renoncer au ciel pour trouver le Paradis
La pièce de Jean-Philippe Daguerre évite adroitement la sentence. On est au boulevard. La critique sociale est subtile, efficace sans être démonstrative. On reconnaît aisément l’art bourgeois de se découvrir une conscience morale, mais on est davantage touché qu’agacé par cette femme qui accepte progressivement d’admettre les limites de son propre éclat en découvrant le grand soleil de l’altérité. Florence Pernel, sincère de bout en bout, y fait beaucoup. A ses côtés, Bernard Malaka, Charlotte Matzneff, Marc Siemiatycki, Antoine Guiraud et Tanguy Vrignault sont tous excellents dans cette équipée humaniste qui rappelle que la vie ne vaut d’être vécue sans amour.
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