[critique] Les Fausses Confidences : L'amour vainqueur
Alain Françon met en scène les amours heureuses des amants vertueux dont la passion est habilement manœuvrée par un valet stratège. Gloire du verbe et apothéose de la langue.
Dans un décor beige et gris perle, des élégants à l’âme pure se tournent autour comme des pigeons s’aimant d’amour tendre. Ils finissent dans les bras l’un de l’autre pendant que se réjouit celui qui a assuré sa place en réunissant ses maîtres et que se désolent ceux qui confondent ascenseur social et ascenseur émotionnel. Madame Argante (Dominique Valadié), aspirant à marier l’argent de sa fille avec le titre du comte Dorimont, et Marton (subtile Yasmina Rémil), espérant s’établir en quittant le service d’Araminte pour la respectabilité maritale, en sont pour leurs frais : l’amour ne s’achète pas.
Feu sous la glace, fer sous le velours
Dans cette pièce, la manipulation use des effets psychologiques de la suggestion ; la langue est la seule arme qui vaille pour parvenir à ses fins et conquérir l’objet de son désir. Il faut faire avouer pour gagner puis se rendre. Ceux qui choisissent l’attaque frontale et la sincérité du calcul assumé perdent, face aux machinations rhétoriques et mentales des athlètes du verbe. Georgia Scalliet campe une Araminte éthérée, plongée dans sa lecture, ses pensées ou son fors intérieur, rétive à ce qui la force ou croit le pouvoir, docile à qui est capable de s’abaisser pour lui plaire, comme Dorante (Pierre-François Garel). Elle sera à l’intendant pour demeurer la maîtresse.
L’amour de soi s’y est enclos
Alain Françon dirige ses comédiens (Guillaume Lévêque, Séraphin Rousseau, Gilles Privat, Alexandre Ruby et Maxime Terlin complétant la distribution) comme les pièces d’un échiquier : on devine au fur et à mesure la manière qu’ils ont de capturer les autres. Dans ce salon raffiné aux murs recouverts de tessons protégeant l’aire de jeu, l’amour-propre, qui corsète, est terrassé par l’amour de soi, qui rend Araminte à elle-même et lui permet d’aimer à son tour en choisissant celui qui l’aime plus que lui-même. Maîtrisant parfaitement l’art du texte et celui du jeu, les comédiens interprètent cette guerre en dentelles avec distinction.
Les Fausses Confidences au Théâtre Nanterre-Amandiers : réservez vos places avec L'Officiel des spectacles
Partager cet article sur :
Nos derniers articles
Le Théâtre du Soleil présente le premier volet de sa nouvelle geste collective. Entre bourbier de la guerre et charnier des révolutions, la scène mythique de la Cartoucherie devient celle du XXe siècle.
Le Lido fête les soixante ans de la mythique comédie musicale dans laquelle Dolly fait le bonheur des amoureux et la joie du public : distribution sensationnelle, spectacle absolument fabuleux !
Stéphane Braunschweig quitte la direction de l’Odéon avec une belle et émouvante mise en scène de La Mouette, tendant un implacable miroir à notre époque qui sacrifie sa jeunesse et s’en moque.
Maxence Gaillard s’installe brillamment au Lucernaire avec la pièce imaginée par Stéphane Landowski autour de la guerre des courants, qui marqua les débuts de la maîtrise de l’électricité.