[critique] Les Fausses Confidences : L'amour vainqueur

© Jean-Louis Fernandez

Alain Françon met en scène les amours heureuses des amants vertueux dont la passion est habilement manœuvrée par un valet stratège. Gloire du verbe et apothéose de la langue.

Dans un décor beige et gris perle, des élégants à l’âme pure se tournent autour comme des pigeons s’aimant d’amour tendre. Ils finissent dans les bras l’un de l’autre pendant que se réjouit celui qui a assuré sa place en réunissant ses maîtres et que se désolent ceux qui confondent ascenseur social et ascenseur émotionnel. Madame Argante (Dominique Valadié), aspirant à marier l’argent de sa fille avec le titre du comte Dorimont, et Marton (subtile Yasmina Rémil), espérant s’établir en quittant le service d’Araminte pour la respectabilité maritale, en sont pour leurs frais : l’amour ne s’achète pas.

Feu sous la glace, fer sous le velours

Dans cette pièce, la manipulation use des effets psychologiques de la suggestion ; la langue est la seule arme qui vaille pour parvenir à ses fins et conquérir l’objet de son désir. Il faut faire avouer pour gagner puis se rendre. Ceux qui choisissent l’attaque frontale et la sincérité du calcul assumé perdent, face aux machinations rhétoriques et mentales des athlètes du verbe. Georgia Scalliet campe une Araminte éthérée, plongée dans sa lecture, ses pensées ou son fors intérieur, rétive à ce qui la force ou croit le pouvoir, docile à qui est capable de s’abaisser pour lui plaire, comme Dorante (Pierre-François Garel). Elle sera à l’intendant pour demeurer la maîtresse.

L’amour de soi s’y est enclos

Alain Françon dirige ses comédiens (Guillaume Lévêque, Séraphin Rousseau, Gilles Privat, Alexandre Ruby et Maxime Terlin complétant la distribution) comme les pièces d’un échiquier : on devine au fur et à mesure la manière qu’ils ont de capturer les autres. Dans ce salon raffiné aux murs recouverts de tessons protégeant l’aire de jeu, l’amour-propre, qui corsète, est terrassé par l’amour de soi, qui rend Araminte à elle-même et lui permet d’aimer à son tour en choisissant celui qui l’aime plus que lui-même. Maîtrisant parfaitement l’art du texte et celui du jeu, les comédiens interprètent cette guerre en dentelles avec distinction.

Les Fausses Confidences au Théâtre Nanterre-Amandiers : réservez vos places avec L'Officiel des spectacles

Partager cet article sur :

Nos derniers articles

Jacques Weber et Élodie Navarre installent brillamment tension et malaise au Théâtre de la Renaissance avec une pièce diablement habile autour de François Genoud, le banquier des nazis.

Retour attendu de François Cluzet sur la scène des Bouffes-Parisiens : Emmanuel Noblet adapte et met en scène le roman de Denis Michelis, offrant une partition de choix au comédien virtuose.

Au Théâtre Édouard VII, Stéphane De Groodt, Sylvie Testud, Clotilde Courau et Stéphane Facco reprennent la pièce de Florian Zeller créée en 2011. Toujours aussi drôle, toujours aussi efficace !

Mis à jour le 11 février 2025 [Théâtres]

Tatiana Vialle propose une version raffinée et glaçante du chef-d’œuvre de Pinter à laquelle le Théâtre de l’Œuvre offre un écrin idéal. Excellents comédiens et mise en scène au cordeau.

La newsletter

Chaque mercredi, le meilleur des sorties culturelles à Paris avec L'Officiel des spectacles !