[critique] Les Téméraires : L’affaire de tous les dangers

© Grégoire Matzneff

À la Comédie Bastille, Les Téméraires relate le combat d'Émile Zola et Georges Méliès en faveur du capitaine Dreyfus. Habilement mise en scène par Charlotte Matzneff, cette pièce de Julien Delpech et Alexandre Foulon interroge en creux la notion d’artiste engagé.

Comment aborder l’épineuse Affaire Dreyfus ? C’est quoi un artiste engagé ? Des questions au cœur de Les Téméraires de Julien Delpech et Alexandre Foulon. Les auteurs y répondent en mettant en lumière les célèbres soutiens du capitaine d’origine juive accusé à tort d’espionnage au service des Allemands.

En 1894, le romancier Émile Zola, couronné de succès et à la fibre sociale évidente, s’engage dans un combat dangereux pour dénoncer un mensonge d’état révélateur de l’antisémitisme en France. Georges Méliès, homme d’image, va faire de même. Délaissant, un temps, son cinéma plein d’artifices, il va signer un film politique (et censuré !), de plus de 10 minutes, le premier de l’histoire du cinéma.

Petite et grande histoire

Pour leur première œuvre théâtrale, terriblement actuelle, Julien Delpech et Alexandre Foulon s’approchent au plus près des faits historiques. On y croit même si, par souci de romanesque et d’efficacité, ils prennent quelques libertés. La pièce, qui n’oublie pas d’être drôle, a également le mérite de mêler la petite et la grande histoire. Ainsi, le parcours personnel de l’auteur des Rougon-Macquart (Romain Lagarde, impressionnant) est particulièrement mis en avant. À l’automne de sa vie, il a une maîtresse, mère de ses enfants : son épouse et muse Alexandrine (émouvante Sandrine Seubille) accuse le coup mais se révèle d’un soutien infaillible.

Des tournages fantaisistes

Grâce à la mise en scène alerte de Charlotte Matzneff, comédienne fétiche de Jean-Philippe Daguerre, les coups d’éclat de Zola cohabitent sans peine avec les tournages fantaisistes (miroir déformant, costumes de soldats imposants) de Méliès. Une énergie que l’on doit aussi aux comédiens, Arnaud Allain, Stéphane Dauch, Armance Galpin, Barbara Lamballais et Thibault Sommain qui alternent les (nombreux) rôles. On aime aussi les panneaux en clair-obscur de fond de scène et ce meuble (avec piano intégré) modulable en fonction des scènes. Un dispositif bien vu pour une leçon d’histoire, qui allie émotion et pédagogie.

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