[critique] L'Événement : L'affaire de tous !

Françoise Gillard, de la Comédie-Française, reprend au Théâtre 14 son adaptation de L'Événement d'Annie Ernaux : un texte indispensable et poignant, une langue superbe, une comédienne incandescente, subtile et déliée.
Avant que la loi du 17 janvier 1975 ne dépénalise l’interruption volontaire de grossesse, rendant ainsi sa dignité lexicale à un acte de liberté qui n’est pas un échec (on lira à cet égard l’excellent J’ai avorté et je vais bien, merci, publié par La ville brûle), Gisèle Halimi disait, en 1972, lors du procès de Bobigny : « Cette loi est la pierre de touche de l’oppression qui frappe les femmes. C’est toujours la même classe, celle des femmes pauvres, vulnérables économiquement et socialement, cette classe des sans-argent et des sans-relations qui est frappée. » Tel est le cas d’Annie Ernaux en 1963, alors modeste étudiante rouennaise.
Témoigner
En 1999, dans l’attente des résultats d’un dépistage du sida, l’écrivaine retrouve les émotions de cet événement vécu trente ans plus tôt, et entreprend d’en faire le récit. Conditions sanitaires scandaleuses, opprobre morale, culpabilité entretenue par une société phallocrate et lâche, indifférence des proches, insensibilité du petit ami : Annie Ernaux évoque les circonstances extérieures de ce drame. Mais elle décrit aussi ses conditions intimes, psychologiques et physiques, la douleur, la honte, « l’horreur » de se retrouver enceinte sans l’avoir voulu, et la difficulté de préférer la liberté à la vie.
Lutter
« Il y a chez certaines actrices un tact, une réserve, une apparente discrétion qui n’empêchent nullement la puissance expressive, bien au contraire, et leur permet de faire entendre, dans la délicatesse de leur voix, le calme de l’écoute qu’elles imposent, la sourde révolte, l’énergie subversive qu’un tel texte contient. » dit Denis Podalydès, qui a accompagné Françoise Gillard dans la conception de ce spectacle. La comédienne l'interprète pour participer à la lutte pour ce droit fondamental, pour faire entendre ce récit bouleversant et nécessaire et faire mentir ceux qui, comme le gynécologue annonçant sa grossesse à la jeune femme, croient que « les enfants de l’amour sont toujours les plus beaux ». Les plus beaux sont les enfants des femmes libres.
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